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Ensemble le séparé

Mais quand tu enlèves ce qui couvre, tu fondes l’espace de ta connaissance. Celui-ci, vu comme une dimension, est partagé entre le fini et l’infini, le concevable et l’inconcevable, entre ouvrir et fermer une porte. Sans fin est ta séparation des noms et des verbes que tu inscris en différents lieux de cet espace. Ils fabriquent pour toi un horizon. Un horizon qui affirme en miroir : « ce que tu es ». Sans illusion, ton modèle spatial devient vraisemblable et réel. Sans séparation, tu ne chercherais pas à déchiffrer, à décoder la différence entre le réel et l’illusion. Mais duquel, du nom ou du verbe, l’un est-il le réel, l’autre l’illusion ? Petit à petit, les ritournelles deviennent des cercles. Ils s’entrecroisent et forment un labyrinthe de mots figés et fixés dans un espace que tu dois, désormais, déchiffrer, décrypter, comprendre. Ta vision, choyée par la caresse des yeux, contient l’indicible et le souffle transformé en forêt où chacun se perd pour le plaisir. Images d’images qui s’organisent comme aucune forme ne peut le faire. Étrange espace où les mots s’évertuent à mieux se connaître eux-mêmes afin de tenter de redonner aux noms et aux verbes l’espoir de trouver la clef.

L’horizon

Verbes et noms sont nécessaires à l’un et l’autre. Ils t’offrent un espace absolu. l’horizon te donne une incertitude, ouvrant un monde à voir qui oscille entre l’illusion et la réalité. L’horizon contient en lui-même sa nécessaire présence comme tu contiens en toi-même la nécessaire présence de l’horizon. Avec espace, l’horizon devient déterminé et indéterminé. Tu ne peux pas t’en approcher, il crée une limite lointaine. Comme une circonférence qui t’entoure, tu la vois, mais tu ne peux t’en approcher. L’horizon tient la distance de la limite dans sa relation avec toi.

La limite est donc cette distance entre toi et l’horizon ; toujours à égale distance d’elle-même et de toi même. Comme tu ne peux l’atteindre, tu la sépares en morceaux multiples, en fragments limités et déterminés. Par ce chemin, tu apprends la mesure. Tu peux ainsi t’en approcher et voir ce qui est à l’intérieur et ce qui est à l’extérieur de celui-ci. En agissant ainsi, tu t’en approches, mais pour toujours rester à égale distance de la limite.

Tu veux la définir en la divisant en petits fragments, mais tu ne peux la détenir quand elle est un tout. Et tu commences par savoir.

Se transformant en elle-même

La limite contient la possibilité de son existence qui contient la possibilité de l’espace qui, lui-même, contient, la possibilité des verbes et noms placés en différents endroits de ce dernier. Ainsi tout se fabrique et ne cesse de se transformer et d’évoluer en se subdivisant en autant de fragments qui sont tels qu’ils sont, ont été et seront. Chaque fragment qui en est extrait, par effet miroir, te représente et se présente à toi comme distinction. Ainsi chaque fragment que tu distingues exerce une tension vers le propre de ta connaissance.

Le fragment exerce une tension vers quelque chose d’autre, exprimé d’une manière différente mais équivalente à lui-même. Il est la fonction opérative entre toi et la limite. Le fragment dépend de lui-même de telle sorte que chaque fragment se reconnaisse comme tel par un agencement précis. il atteint, ainsi, la construction de sa propre apparence. Désormais il est perception. Il est le modèle pour tous les autres et exprime ce qui le constitue.

Pour toi le fragment devient un système complexe à l’intérieur de la limite par lequel s’expriment toutes les opérations qu’il produit, de telle sorte que la limite devienne un ensemble formé d’éléments nombreux et variés (verbes, noms, perceptions, etc). Ce dernier exerce une nouvelle tension vers la connaissance ; il se dirige vers la disparition de la limite afin de faire apparaître des choses différentes mais équivalentes.

L’équivalence n’est que l’opération par laquelle ce qui était inatteignable, incompréhensible se change en quelque chose de compréhensible, atteignable de telle sorte que l’équivalence soit en dehors de la limite mais au-dedans d’elle-même.

La limite exprime une équivalence dépendante et de toi-même et de l’horizon. C’est par ce moyen que tu peux affirmer : « Je suis. » Par l’expérience de la limite que t’offre l’horizon, tu peux clamer que tu connais par expérience. Par cette propriété du semblable s’exprime la possibilité de la connaissance qui exprime la possibilité de ton être.

Par cette opération, la limite disparaît

Ce qui reste est jonché de disparitions, de définitions oubliées qui se déplacent dans le balbutiement du temps. Par l’opération de l’identité entre l’horizon et toi, les parties délaissées, celles qui ne conviennent pas à l’élaboration de la limite, s’opposent à celle-ci et s’en séparent. Les définitions ne se reconnaissent plus aux abords de cette frontière. La limite n’est plus reconnue quand bien même elle contenait tout les fragments possibles lesquels ouvrent toutes les définitions.

Il faut retrouver le chemin incertain de ces opérations portées disparues, elles s’accrochent telles des notes curieuses sur les multiples câbles fragmentés, étirés entre l’horizon et toi. Opérer le voyage inverse à partir des définitions lesquelles n’expriment plus que le résultat de l’équivalence. Pour que les définitions se « ressouviennent » de la limite, il faut chercher dans les multiples fragments ce qui les différencie de la limite et ce qui est constant, identique, même, unique.

Quand tu en parles, tu peux affirmer ce qu’elle est ou ce qu’elle n’est pas. Tu ne dis jamais vraiment ce qu’est la limite, car elle est tel l’horizon. Tu te sers d’elle pour parler d’autre chose : de toi. Tu prends avec toi les définitions qui correspondent aux fragments de la limite, mais tu ne peux la posséder. Ce n’est jamais elle que tu définis puisqu’elle ne fait qu’énoncer par les noms et verbes les productions à partir desquelles tu te détermines au regard de la limite. Elle est ta présence, mais en la voyant à l’intérieur des définitions tu sais qu’il y a autre chose que tu ne vois pas. Dans cette nouvelle tension exercée, les noms et les verbes indiquent une phrase qui ne peut jamais se compléter, jamais se terminer.

Le rapport d’équivalence que tu dégages entre l’horizon et toi définit un espace entouré de limites fragmentaires lequel t’englobe par présence évidente. Il devient une donnée première existant indépendamment en dehors de ce rapport. Il valide cet espace comme pré-existant pour affirmer sa propre présence comme tu affirmes ta propre existence. Il indique la distance qui te relie à l’horizon comme élément de compréhension, mais il reste toujours à égale distance de toi-même.

L’espace est mon égalité

L’espace est cette tension qui provoque le processus de compréhension et conduit vers l’apparition de fragments, issus d’un horizon lointain, qui se présentent en lui comme possibles rapports d’équivalences. Il affirme l’organisation d’un ensemble plus étendu laissant entrevoir une attirance entre lui et toi qui aurait comme fonction « un rapport d’équivalence » validant réciproquement la présence et de l’un et de l’autre à l’intérieur d’un substrat plus vaste qui les contient.

Il prend l’identité d’une entité propre, présente, non déterminée, mais contenant un élément de préhension en relation avec un être capable de le saisir par ses sens. Par cette prise de contact, tu fabriques des opérations, des modèles qui te permettent d’affirmer une connaissance issue de ces relations entre les « rapports d’équivalences ».

L’horizon qui indique les fragments qui indiquent les limites qui indiquent les verbes et les noms que tu installes dans un espace pour le convertir en « rapports d’équivalences » ne sont peut-être pas des connaissances ni sur le monde à percevoir ni sur toi-même. Tout cela ne fait qu’attester que tu peux, éventuellement, apprendre, savoir, connaître mais sans aller plus loin. Et d’ailleurs, cela est-il possible voire souhaitable ?

Oscillations

Tout cela ne fait qu’osciller entre deux états, l’horizon et la limite ; espace que tu crées sans savoir quel est le plus réel des deux. Cette oscillation exerce aussi une tension vers la connaissance. Elle crée un lien qui ne peut plus être égal ou analogique. Elle prend sa forme d’un mode non harmonisé et détruit la symétrie de l’équivalence. Elle vibre entre toutes les notes possibles. Pour chaque note atteinte, un tintement net se fait entendre, si fort, si singulier qu’il génère une nouvelle tension : « et si la connaissance était là , avec cette note, alors l’harmonie serait ici.».

Pour rendre à nouveau tout à la même distance, tout égal, tout symétrique, tu entraperçois dans la temporalité le mode de l’irrationnel. Tu saisis de nouvelles indications lesquelles sont proches de la construction du rêve de la nuit. Avec les productions de l’irrationnel et de la durée, tout ce qui est vacille, mais, soudainement, tu peux commencer à te rapprocher de l’horizon et à imaginer, déduire, ce qu’il y a là-bas. Ce qui était à inégale distance devient une brèche ; un passage s’ouvre.

Déséquilibre apparent de l’oscillation qui inaugure un nouvel ordre des vibrations à la recherche de la limite harmonieuse. Il ne s’agit plus d’attester, de valider l’équilibre parfait, la balance d’un rapport d’égalité ou d’analogie qui indique une symétrie. En vivant ce déséquilibre, tu peux, rétablir l’équivalence : de la variation naît l’invariant.

L’oscillation est le moyen par lequel tu entres en relation avec la disparition de l’équivalence. Pour en établir sa présence, tu dois rester à égale distance de l’oscillation. Tu dis : « telle chose est, telle chose n’est pas, et, je lui donne un nom qui agit sur son apparence  ». Celle-ci se change en un nouvel horizon par lequel un déséquilibre fabrique une oscillation, une variation continue entre deux états.

Alors, ton nouveau besoin est de percer l’apparence du nom pour aller jusqu’aux écarts de l’oscillation et de l’espace. Ce qui fabrique l’apparence du nom est un système qui oscille cycliquement entre deux états, deux écarts sans qu’ils ne parviennent à te dire lequel est le réel et l’autre, le nom (du réel).

Vois-tu, partout où tu poses ton regard il y a une frontière, un horizon. Ils t’obligent à prendre de la distance et à rester au cœur de celle-ci sans jamais pouvoir joindre le début ou sa fin. La distance est l’orientation qui te conduit vers l’horizon d’une connaissance qui, elle-même, t’oriente vers toi-même.

La condition initiale

La formation de la connaissance qui transparaît dans la construction de la distance par rapport à l’horizon est la condition initiale qui t’a permis de prendre par les sens les propriétés qui lui sont intrinsèques. La condition initiale est un changement d’état. Elle modifie ses propriétés de telle sorte que toutes les opérations soient possibles et dépendent toutes de la manière dont apparaîtra une asymétrie. L’asymétrie est une autre des propriétés de la condition initiale de telle sorte que bien qu’elle soit parfaitement symétrique, ses propriétés peuvent se modifier pour générer autre chose.

C’est de ce très léger espace que surgissent, par la suite, les opérations par lesquelles se fabriquent des équivalences qui déterminent les propriétés. Elles t’aident à retrouver la symétrie. Elles ne sont pas plus déterminées par une chose ou une autre, elles expriment la manière dont l’asymétrie est une propriété intrinsèque de la condition initiale.

Une fois l’asymétrie survenue, elle va indiquer les conditions de construction des opérations qui découlent des propriétés de la condition initiale. Les propriétés incluses dans la condition initiale ne sont pas définies par la condition initiale. Elles indiquent un changement d’état lequel fabrique les propriétés dont elle a besoin pour se développer alors, en retour, la condition initiale contient ces propriétés. Si d’autres propriétés avaient été générées, la condition initiale contiendrait aussi ces autres propriétés.

L’horizon est une propriété indirecte qui révèle, par cette rupture de la symétrie, la condition initiale mettant en jeu le principe d’équivalence. Cependant l’ensemble qui englobe ce nouvel élément, apparaît en même temps que l’asymétrie. Mais il la masque et « dérobe » à la condition initiale ses propriétés.

L’asymétrie de l’horizon est comparable à une faible lumière qui, d’un seul coup, fait surgir les propriétés des objets observables laquelle complète ce qu’elle est par des noms et des verbes pour terminer la phrase que tu prononceras. Ainsi les propriétés qui définissent les phrases que tu utilises évoluent en même temps que les propriétés de la condition initiale se modifient.

Les opérations de distinctions et de relations qui en découlent dépendent des propriétés à l’intérieur desquelles elles se trouvent. Elles fabriquent une équivalence qui aura besoin de se séparer d’elle-même. Et ainsi de suite.

Tu me parles

Tu clôtures une relation avec l’horizon afin de former un ensemble qui atteste de la présence de l’un comme de l’autre. Tu en tires un bénéfice que tu nommes connaissance. La connaissance est partout identique à elle-même, elle transporte un ailleurs indicible, libre de toutes formes connues pour, à nouveau, fusionner avec toi et attester des formes inscrites en elle. Quand elle fusionne avec toi alors l’équivalence devient égalité et, par ce signe, tout disparaît, se confond.

En conséquence, les propriétés qui indiquent une possible asymétrie peuvent se rencontrer sans contradiction, car elles sont non déterminées par la connaissance, mais inscrites en elle comme une des possibilités de son expression. Ces propriétés, opposées à la symétrie, ne sont rien d’autres que la continuité de l’un au regard de l’autre qui voit le monde. Elles sont la même chose que l’oscillation.

Par les noms et les verbes, la parole façonne un son qui oscille entre réel et illusion. Dans la parole, le son est caché en son intérieur puis disparaît dans celle-ci. Ce qui lie le son à la parole est le moyen de faire apparaître ce qui est perceptible en le rendant visible par le truchement des vibrations. Elles deviennent mouvements, ils s’étirent entre le son la parole et établissent un ensemble de variations qui relient entre eux des opérations perceptibles.

La fin du son est la parole que tu exprimes comme fabrication de la connaissance. Le son exerce une tension qu’il dirige vers la parole. Ce qui signifie que tu parviens au réel sans voir le son mais uniquement son résultat : les vibrations qui oscillent entre la perception du visible et de l’invisible. Il génère un espace perceptible entre plusieurs changements d’états permanents. Il annonce un rapport d’égalité ou d’équivalence aussi solide que les formes visibles sont perceptibles comme des choses solides.

La parole n’est pas le son et ne peut fabriquer ce que le son crée par vibrations et oscillations. Dans la parole, il n’y a que le rapport d’égalité et d’équivalence, l’horizon comme le son disparaissent. Et c’est là le secret que nous avons cherché ensemble.

Boucle finale

Tu es un monde depuis l’apparition de la parole. Tu parles et tu te tais. Lorsque la justesse de la parole te rencontre alors le monde devient ton monde et il t’ouvre des chemins. Souvent tu t’arrêtes à la présence contenue dans le « ce qui est dit » et tu ne t’aperçois pas que la parole est en train de te parler, qu’elle est devenue ce qui te maintient. Tu ne reconnais pas cela. Aveuglé par le désir de savoir, de connaître, tu cherches d’abord à être perçu comme l’essence d’un discours puisque ce que tu dis cache le mouvement de la parole prononcée. Tu dissimules donc sa personne sonore et tu l’empêches d’apparaître à l’autre. Telle est toute la signification de tes phrases énoncées : un désir, une envie de paraître différent de la manifestation de la parole. Et tu oublies que tu parles à un autre qui est ton équivalent, qui te ressemble. Lorsqu’il te parle, tout comme toi, il met dans la parole et en toi ce qu’il souhaite inscrire dans le contenu de son dire. Tu es une parole depuis l’apparition du monde.

Retourne voir les premiers dessins dans les grottes de la préhistoire et essaye de comprendre ce qu’il se passe. Les bases mêmes de la connaissance, de l’écriture et du langage comme outils y sont inscrites de la manière la plus simple, la plus intuitive et la plus efficace qui soit. C’est tellement vrai que nous n’avons pas changé d’un iota ces principes de base. Acmé de la technologie humaine, à jamais indépassable.

Me Re-présent-eR les ombres

Je retrouve la grotte de mes premières inscriptions. Tout était là, devant moi. En me rappelant les scènes de la vie quotidienne, je comprends que l’immédiateté de la vie est insaisissable. Je ne peux qu’en traduire une abstraction, un résumé, un schéma. Cette transposition indique un ensemble de relations auxquelles j’attribue un sens magique parce que rien ne les distingue du reste. Il me faut prendre du recul par rapport à cette immédiateté continuelle pour que je puisse saisir sa présence, là où se joignent l’espace, le signe, et le temps, l’objet, avec la lumière qui fait apparaître l’ombre du signe et de sa construction en réalité. J’étais en train de créer une structure narrative qui allait devenir une histoire l’espace-temps du signe de l’horizon, et, le temps-espace du signal sonore.

Je transforme ce qui se présente à moi. Je fabrique un moulage qui épouse en une impossibilité, une abstraction triple quasi inextricable : ombre-objet-signe.

Le vertigineux bord de la lumière

Ombres figées, elles ont pour unique fonction de se démultiplier en séries qui s’organisent en inscriptions prêtes à être gravées. Malgré leur fixité désirée, elles changent de formes constamment ne possédant aucun contour précis si ce n’est celui d’une probable connaissance. La confrontation entre ces deux propriétés lance une contradiction où il y aurait des choses fixes et d’autres en mouvement constant. Ces ombres-objets-signes, en changeant continuellement leurs formes, signalent l’infini du mouvement, alors que leurs présences comme signal gravé, fixé semble circonscrire cet infini à l’intérieur de limites.

La magie de l’ombre-objet-signe ne dessine nullement la, les formes définies de l’inscription, mais elle suggère une puissante fascination laquelle laisse transparaître la beauté d’une pureté physique proche de l’au-delà source. Face à ses transformations incessantes, l’être graveur se réfléchit dedans et développe une pensée qui s’enchaîne aux mille et unes séries générées par cette vision en fixant un à un les membres de chacune d’elles. Cette organisation stable se structure comme une connaissance dont la forme est esquissée par des contours définis apportant une apparence relative par rapport au mouvement.