image d'illustration

Les sens divisés

Une chose est devenue un système complexe par lequel se configure tout ce qui est au-dehors d’elle-même. Et ce « tout » devient, à son tour, un ensemble de compositions incapable de signifier correctement une chose. Chacun de ces mécanismes est un ensemble de configurations qui se transposent d’un état en un autre de telle sorte que ni une chose ni le système complexe ne peuvent se situer au-delà d’une continuité et d’une durée.

Un continu aide à l’émergence d’une durée selon des régularités devenues réelles par le biais des compositions qui se copient par auto-référence fabriquant une relation distendue entre plusieurs états aux multiples variations, i.e : une oscillation. Il perd une propriété pour en gagner une autre, mais, lorsqu’il se transpose en durée, il devient irréversible. Une continuité qui n’a pas de durée est une sorte de temps primitif dont la propriété, paradoxale pour nous êtres humains, est d’être un temps continu sans formulation de la durée. Il est un temps qui s’accumule par superpositions1 jusqu’au basculement dans la durée.

Comme une chose qui se complexifie n’est plus une chose ; le temps n’est plus le même temps lorsqu’il passe de la continuité à une durée. Autrement dit, en devenant autres choses que ce qu’ils sont, une chose comme le temps contribuent à leurs propres disparitions. Tout mécanisme qui se structure en un système réfute un état antécédent. Plus il laisse à la configuration des compositions une organisation qui se complexifie moins il est.

La ruine d’une chose, initiée par Anaximandre, est de passer vers un au-delà de la complexité, supposé être simple, mais difficilement voire absolument inexprimable à partir de cette même complexité. Comment énoncer une chose dont l’état supposé “antérieur” ne contiendrait dans ses propriétés ou points de références ni début ni fin ni but ?

Continuité et ruines de la durée

De plus ces balises indiquant un changement d’état ou ruine génèrent une exclusion de l’un par rapport à l’autre quand bien même l’un et l’autre de ces états sont fabriqués à partir d’une frontière commune résiduelle : la transposition. Il faut aussi admettre, pour le moment, qu’il n’est pas possible de savoir si la connaissance contenue dans chacun de ces états exclusifs est parfaite ou non. Il se peut qu’il manque quelque chose à une chose, et, de ce manque, un changement d’état fut possible afin de se transposer en autre chose. Le contraire est aussi possible, alors, ce serait l’observation de cette frontière résiduelle et commune qui serait le signe de ce manque. Etc. Il est tout de même possible de se douter que quelque chose s’est perdu lorsque ce mécanisme de transposition s’est mis en place. En conséquence la complexité qui se transpose en un système indiquerait un état modifié de la connaissance contenue et dans ce dernier et dans une chose.

La construction d’une complexité apporte un ensemble d’embryons de connaissances prenant la forme d’une configuration non encore parfaitement déterminée par des limites. Elle affirme le même paradoxe que celui de la continuité/durée : ces embryons de connaissances ne sont pas encore, car ils sont en dehors de leurs propres naissances (Anaximandre) ; ils ne sont en relation avec aucun être. Pourtant ils existent comme des possibilités, des indications d’un réel à terminer.

Autrement dit, l’intuition qu’une connaissance plus fondamentale serait manquante laquelle ne peut que se compléter et redevenir « une chose » complète à condition qu’une entité biologique dotée de certaines capacités cognitives puisse en retrouver la trace, et, en conséquence, rendre compte de la complétude de ces embryons de connaissance ; cette intuition-là formerait la base d’un savoir bien curieux.

L’essence divisée

Ces embryons de connaissances se situent dans une sorte de devenir perpétuel parce qu’ils demandent à naître comme une relation entre eux et un être vivant. Ils ne sont que des configurations possibles non pas de quelque chose qui annoncerait la terminaison précise d’un objet, d’une forme, d’une matière, mais un changement d’état transposant une relation comme objet, forme ou matière2.

Pour exprimer cet état de transposition j’utiliserai le futur.

« Les configurations qui seront extirpées de la continuité pour devenir dans la durée » sont des systèmes de relations en train d’osciller, des réseaux, non encore parfaitement terminés suggérant par la tension d’une chose autre chose. Ainsi les configurations qui seront dépendent d’une chose qui se transpose en une organisation différente.

Chaque système est constitué par un ensemble de configurations qui laisse entendre qu’il y a une relation de dépendance probable entre ces mêmes configurations et une chose. En ce sens que l’une serait la détermination de l’autre. Autrement dit, tout cela n’est qu’une tension exercée vers de possibles états modifiés qui, eux-mêmes, exercent une tension vers la connaissance. Ce qui laisse sous-entendre qu’elle ne peut être que la percpetion des régularités qui apparaîtraient au sein de ces mêmes configurations déterminant une relation spécifique avec un être capable de les percevoir comme telles.

La téléologie mise à nue

Au bout de cette série de relations, l’être qui perçoit cela découvre qu’il est, probablement, la fin de ce chemin parcouru. C’est à lui de mettre un terme à tout cela. Autrement dit, cet être ne peut voir tout cela que comme les énoncés cachés du début, de la fin et du but. Mais ce mécanisme est aussi une illusion nécessaire pour l’être afin de changer de perspective et effectuer quelques sauts conceptuels.

La détermination est une des configurations possibles qu’une chose a tendue vers elle-même afin d’être à égale distance de la définition et d’elle-même. Ce qui se termine dans le défini est une description de telle sorte qu’une chose, transposée en configurations, les exprimera comme finalité rendues possibles par l’expérience de la relation entre l’être et la chose lesquels gardent, malgré toutes ces transpositions, une même distance entre l’un et l’autre.

Paradoxalement toutes les définitions possibles des configurations se concatènent en une seule et même chose. Elles sont les subdivisions de cette nouvelle chose unique « supposée déterminée » un peu à la manière du « sujet supposé savoir » de la Psychanalyse. Il n’est pas certain que cet ensemble concaténé laisse entrevoir que cette chose déterminée soit bien la chose initiale, l’image copiée n’est pas une chose, mais une réelle tension vers quelque chose d’autre ; la connaissance ?

Ou encore, une chose est toujours une tension vers quelque autre chose organisée d’une manière différente mais équivalente à elle-même. Les dé-finitions sont constituées de telle sorte qu’elles puissent s’assembler à partir de configurations qui seront propres aux formes, matières, objets qui se distingueront d’une chose tout en les reliant à cette même chose et à l’être : ce qui génère une tension.

Les finitions, ou points de références, terminent les limites et dépendent des configurations contenues dans une chose qui les transpose. Elles en seront l’énonciation muette de telle sorte qu’elles puissent suggérer des relations qui indiquent que dans ces transpositions il y a eu une distinction laquelle permet une mise en relation.

Les terminaisons de la finitude des références se complètent par l’entremise des configurations afin de devenir ce qui est mis en relation pour l’être qui les observe. Ces limites sont devenues précises par la distinction. Les configurations alors prennent place dans la relation avec l’être. En conséquence il ne peut que remonter vers la source, un au-delà des terminaisons et des configurations, là, où la chose semble subsister comme une unité qui contiendrait tout le reste.

En conséquence chaque image terminée d’une chose indique, par équivalence et transposition, ce qu’est une chose. Il en résulte qu’une chose se trouve décrite de deux manières différentes : une chose comme somme probable de l’ensemble des déterminations et une chose par laquelle peuvent apparaître les déterminations. Elles sont supposées contenir un savoir, une connaissance capable de tout construire à partir d’elles-mêmes. Dans toute détermination existe donc une tension vers l’extraction d’une chose. Et dans une chose il existe une même tension vers l’extraction de déterminations.

Dans ce qui s’extrait s’enracine une configuration qui exercera un agencement précis lequel amène le désir d’exprimer quelque chose (ou encore exercer une tension vers…). Par cet agencement précis une configuration conduit l’idée qu’il y a bien une chose au-delà d’elle-même supposée savoir autre chose que ce que représente et la détermination et la configuration. L’agencement fonctionne comme un prototype de la détermination pour toutes les configurations qui prennent racines dans l’extraction. Ainsi peuvent naître en relation avec l’être qui les perçoit et l’archétype et l’ectype.


  1. voir le premier chapitre du « Malaise dans la civilisation », Freud, pour une définition du temps comme accumulation de couches superposées.↩︎

  2. voir Schrödinger dans « la nature de nos modèles in Science et Humanisme ».↩︎