image d'illustration

l’objet est un message

La découverte évoquée du message de l’objet

L’objet découvre un monde qu’il ne connaissait pas dans lequel il siégeait où il semblait être plus réel que la réalité de l’enchanteresse vérité. Il sentait, de son corps, les années s’éclipser, le temps s’effriter tantôt en moments, tantôt en disparitions se disposant à l’arrêt. Il était dans l’ailleurs du monde, là où l’espace prend toute son ampleur, ici ou là, il forgeait le connaître pour ensuite l’inciter à inscrire quelque chose sur lui-même. Il creusait un labyrinthe d’écritures, de paroles dont il murmurait l’ouverture vers autre chose comme sa perte vers d’autres choses.

Enfermé dans le monde de la description, il se vivait comme un en dehors aux étincelles premières stratifiées en significations profondes, là où l’impression sur un support pouvait établir le sens de sa présence inscrite jusqu’à qu’il ne parvienne plus à se distinguer lui-même du reste du monde, de l’espace. Par sa présence objective, il franchit la possibilité, le seuil où rien ne peut plus se restreindre à ne pas être : il n’y a plus d’hésitations. Il ne se laisse plus benoîtement bercer par le piège tourmenté du doute. Il active une gravure qui lui confère un moyen de s’appuyer sur lui-même. Il porte en lui les traces du dedans et du dehors comme souvenirs dessinant les contours de sa géographie transposés en calligraphies et géométries lesquelles se disputent la victoire des échelons que construit l’échelle des savoirs. Ce qui permet à l’objet de sortir de cette salle d’errance qu’est l’ignorance.

Pour avoir découvert son mode d’expression, il aime se perdre en volutes égrenées aux ensembles, éprises de considérations de plus en plus abstraites comme s’il existait deux mondes différents pour un même objet. Si (8+3) × 3 = (8 × 3) + (3 × 3) désigne un monde, son abstraction amène à un autre monde encore plus étrange : (a + b) × c = (a × c) + (b × c). Des variables apparaissent au sein de constantes qui disparaissent. Ce passage d’un mode de pensée à un autre transforme le monde des objets mêmes, de solides, réels, encore attachés au monde, ils se transforment en valeurs plus abstraites, détachées de toute appartenance à la réalité, lesquelles ouvrent de nouvelles perspectives conceptuelles. Ce qui ne se voit pas dans le solide se découvre dans l’abstrait.

L’objet visite des espaces alentours, retirés de leurs références au réel et découvre la vallée des évocations, ce lieu où s’apprivoise les généralisations. Cet étrange milieu entre le réel et sa représentation qui se trouve selon la perception de l’évocation des unes et des autres, à mi-chemin entre le tout et le rien, entre le symbolique et sa définition. Cette vallée est découpée par des routes, des chemins, des constructions récentes et anciennes fabriquant le symbolisme des aspirations, des inspirations, des vocations comme autant de portes ouvertes vers l’apaisement, le détachement, le recueil. Elle figure les traces en des cheminements particuliers comme autant de points qui se relieraient les uns autres offrant des dessins aux évolutions surprenantes :

La forge des souvenirs accueille la disparition de toute trace, de tout chemin, de toute direction. La route de la signification s’éprend de nouvelles formes dont la direction indique un quelque chose du sens qui reste un impensé : un mélange d’espace, de temps, de mouvements où l’objet survit miraculeusement malgré l’évaporation de ses contours, de ses formes où ce qui est appelé disparaît, ce qui est dessiné est séparé.

L’objet qui servait la vallée des évocations lance un appel à la contemplation de quelque chose d’autre, attirant l’objet en premier puis en remaniant sa présence jusqu’à la disparition de son support, la vallée. Cette opération disloque «l’être» de l’objet, le sépare de toute fixation par rapport à un endroit. Tout objet qui arrivait, ici, avec ses liens propres s’attachait au lieu commun en dépaysant sa propre présence. Sans perspective, il ne se ressemble presque plus, il ne se coordonne plus à son espace habituel où il peut se projeter, il ne lui reste que les liens en un lieu étrange où il est en chaque point identique-différent au précédent.

Chaque point, chaque lien est transféré d’une échelle vers une autre : de la perspective vers la projection, de la projection vers l’itération laquelle, en quelque sorte, par ses propres propriétés répétitives alloue la possibilité d’un plan donc d’une projection qui laissera transparaître des traces observées, ancrées en un ailleurs à dénicher quelque part dans la vallée. Chaque trace est un passage qui dessine «l’être» de l’objet : ses points, ses liens. Elles surgissent furtivement dans la vallée des évocations pour retrouver une forme solide. Elles figurent une position qui leur confère une place. Composantes du paysage, elles évoquent quelque chose qui s’ignore et qui, pourtant, s’observe.

Analogues parlers de l’observé

L’objet observé précède la représentation. L’observation lance un appel envers l’enivrante représentation qui élabore une identité entre ce qui est et ce qui passe par l’observation afin d’être à nouveau. Elle dessine une échelle de correspondance sur laquelle est transposée ce qui se voit : la juste équivalence entre deux modes de perception ouvrant le chemin de la signification. Un trait qui se délie en plusieurs points successifs. Ils prennent forme. Ils précisent la nature de l’objet. Ils renvoient un «message», un sens donnant mouvement à la route de la compréhension. Ils attachent l’objet à l’être, ce qui est à l’observation sans que ces liens ne soient une abstraction trop confuse, mais une présentation directement préhensible, quelque chose de solide et de statique qui se termine au sein d’une représentation concrète.

Elle opacifie la compréhension, la rend palpable en se transformant en une masse perceptible perçue comme un objet quasi identique aux éléments observés. Elle fabrique, dans la préhension de ce qu’elle porte avec elle, de la connaissance. Elle organise une réalité concrète inséparable du monde qui se montre sous un nouveau jour, se révèle tel un secret qui ouvrirait d’autres chemins, d’autres lieux, d’autres vallées où les perceptions ultimes ne cessent de retourner au même début du cercle, celui dont il ne reste que des traces itérées.

Rythmer le cercle

Les ombres de l’objet, taillées par le mouvement des «messages» discernables, planent au dessus de la connaissance afin d’y projeter quelque chose qui peut se savoir ne pas se savoir. Ces formes brouillonnes, les plus anciennes, les plus vieilles, sont les éléments conjoints du discernable. Jouets de l’indication, de la provenance, leurs contours assombris signalent la provenance de la lumière, de cet éclat lumineux et pur comme du diamant face à sa forme première, mal dégrossie, empli d’ombres, le charbon des points qui se relient entre eux.

L’objet qui aide au discernement ne peut voir que ce qui se forme le plus dans la représentation puisqu’il est subtilement séparé de son éclatante beauté le rendant sombre, noirci de contours. Il est la face cachée de l’éclat afin de libérer l’humain de son emprise cognitive. Il finira par lâcher l’objet et son plan de projections afin de signaler une vérité que même la lumière ne peut retenir par son éclat. Présence, absence, alternance qui sème le désarroi dans l’esprit, oscillations cruelles observant deux mondes absolument différents et curieusement unis. Majestueux rythmes où les oscillations s’interpellent en visions complexes d’un espace sans projections. Il plonge l’objet en des confins inhabituels, des bords aux singulières frontières mutées en glissements qui passent au travers de la perception, de la préhension pour s’éterniser en un rythme étrange dont la faculté lumineuse disparaît en parcourant l’immensité de son univers lequel se détache de toute représentation, de toute observation.

L’objet se substitue à l’univers des oscillations lesquelles absorbent toute présentation, toute observation. Sans cette substitution, il ne pourrait y avoir de représentation comme forme solidifiée des oscillations. L’objet appelle à la contemplation de son édifice solidifié afin que ne s’éloigne ni ne se rapproche la condition de l’expression. Il propose à l’être humain de se pencher vers lui et de le travailler comme une source qui amène de nouvelles expressions, des embryons de connaissances : gouttelettes d’un savoir encore à connaître, un savoir immature de mots qui s’échappent de l’objet représenté.

Cet appel est faussé car de sa solidification, l’humain ne voit que des causes, des conséquences, des observables aussi solides que la certitude bloqués à l’intérieur de restrictions de plus en plus contraignantes projetées sur un plan alors que les oscillations, avec leurs itérations géométriques, se déploient dans un univers/espace sans prédéterminations, sans projections ni limites. Les formes, les espaces, les limites, les lois s’établissent en fonction de la combinaison des itérations entre elles non pas à partir d’une projection qui encadrerait tout cela2.

Dès lors les mots, les opérations qui s’acoquinaient autour de l’objet glissent sur les parois de celui-ci, semblent le traverser sans que personne ne puisse les en empêcher : tout se comporte bizarrement. Ils ne peuvent plus décrire tout cela correctement. Là où, autrefois, la description s’arrêtait et ne pouvait aller plus loin, désormais, elle traverse l’objet et le dépasse. Il ne reste que des points épars, reliés selon une organisation qui oscille entre la solidification et la jonction ; ces liaisons générant des ponts, et, il ne semble rien y avoir d’autre comme si l’objet, ses contours «solides» étaient une illusion rattachée à une perception sélective (le point de vue). La compréhension est dépassée : ce qui rendait solide l’objet ne l’est pas.

L’objet oppose le nom face à cet échec de la compréhension. Le nom est affaire de sens et de savoir, il devient quelque chose par la limite qu’il déclare. L’humain saisit le façonnage de ce nom qui, telle une abstraction, prend lieu et place de l’objet. Il l’érige en connaissance. Mais le nom s’oppose lui-même à cette limite qu’il désigne puisqu’il fait apparaître, aussi, une autre réalité qu’il ne peut saisir. Étranges formations que sont les objets, les noms au regard du connaître, ils cultivent l’art d’esquisser des limites afin de revenir sur le champ cultivé de l’abordable préhension d’une chose, une récolte de connaissance encore inconnue au cœur même de la vallée.


  1. Ou plus précisément, géométrie synthétique, géométrie analytique, géométrie itérative.↩︎

  2. D’après mon expérience de travail sur les fractales. C’est ainsi que je me les représente : des coordonnées géométriques sans formes, ni espaces, ni lois mais dont les itérations génèrent espaces, formes, lois et présences formelles par la combinaison de différentes propriétés non linéaires entre elles. Par la suite, viennent les projections mathématiques qui régulent le caractère infini d’une fractale en ce sens que nous avons besoin de mettre des contraintes, de la géométriser selon un plan euclidien, afin de la rendre palpable graphiquement.↩︎