Présentation synoptique des documentaires

Ils racontent les enjeux liés à l’émergence de la propagande dans une société de masse en train de naître. Ces enjeux sont basés sur les lambeaux des luttes sociales entre la couche pauvre de la population et la couche riche. Que ce soit en France ou aux états-unis, les mouvements de révoltes du peuple subit une forte répression qui s’exprime par des crimes et des massacres afin de maintenir une classe sociale au pouvoir et d’y empêcher une autre d’y accéder directement.

Le seul changement notable qui s’effectuera au cours du vingtième siècle sera le moyen utilisé : un moyen psychologique au service de l’idéologie marchande, un peu plus subtil qu’un simple massacre, mais qui a exactement le même but : tenir éloigné du pouvoir le peuple en l’invitant à prendre du bon temps grâce à la voiture ou, au contraire, en l’invitant à rester chez lui grâce aux informations de la radio (Bernays, Propaganda, Les mécanismes de la propagande).

Dans son livre, E. Bernays explique que l’information ne pouvait plus être pensée et présentée comme quelque chose de factuel, mais comme une manière de manipuler la prise de décision humaine en modifiant le contenu même de l’information : elle ne devrait plus présenter un fait réel (principe de réalité), mais agir sur les émotions irrationnelles (principe de plaisir).

En liant un contenu émotionnel, un désir à un produit, il est possible d’obtenir des personnes qu’elles agissent irrationnellement tout en suggérant qu’elles le font d’une manière parfaitement rationnelle. Vendre un produit ce n’est plus le décrire de manière rationnelle et factuelle, mais lui mêler l’idée que si vous l’achetez alors vous vous sentirez mieux. Autrement dit, le consommateur doit s’impliquer émotionnellement et personnellement dans ce produit ou service.

Il ne fallait plus vendre la marchandise comme un produit de nécessité, un besoin, mais comme un désir. Ainsi le travailleur devenait un consommateur, et, en devenant tel, il ne répondait plus à l’achat d’un besoin mais affirmait aux autres qui il ou elle était, en révélant sa nature profonde. Et c’est ainsi que la notion politique de “citoyen” fut remplacée par celle de “consommateur”.

l’information contenue dans la marchandise

Adam Curtis propose une analyse de cette évolution de la marchandise en s’appuyant sur un des personnages les plus influents du 20e siècle, Edward Bernays. Ce dernier étant le neveu de Sigmund Freud, va réutiliser un des fondamentaux de la théorie psychanalytique expliquée par son oncle, le mécanisme du refoulé, pour l’appliquer non pas à l’individu, mais à la gestion et au contrôle d’une foule en ce sens que la psychologie d’une foule est différente de la psychologie d’un individu.

Bernays prend comme point d’appui la découverte de Freud selon laquelle des forces primitives, brutales, instinctuelles et sexuelles sont cachées au plus profond de l’esprit humain. Sans un contrôle de ces dernières, c’est la pulsion destructrice qui prendrait le pas sur la vie sociale elle-même. Face au « principe de plaisir » (celui de l’inconscient) l’humain doit construire un « principe de réalité » qui, certes, le limitera et le contrôlera, mais lui ouvrira la voie de la vie commune et de l’acceptation de l’autre. Alors il est possible de construire une société et de mettre en place une organisation politique.

C’est ainsi qu’il faut entendre ce « siècle du moi » à l’aune de son interaction avec la politique et la marchandise dans le cadre d’une société de masse. Il explique comment Bernays va utiliser la notion psychologique transversale du très Freudien « moi » dans un but de manipulation des foules afin de mettre en place un contrôle sur une partie du fonctionnement inconscient de la population. Ce type de manipulation repose sur l’idée fondamentale de déception, en ce sens qu’il est possible de tromper par le biais de la séduction afin d’obtenir un résultat précis. La société de la déception est, en quelque sorte, l’extension visible de la société du spectacle.

Mais les résultats obtenus seront plus qu’ambigus puisqu’il s’agit ni plus ni moins que de manipuler certains contenus afin d’obtenir tel résultat. Autrement dit, le principe de réalité va être entièrement réapproprié par le système marchand. En conséquence, il ne peut plus y avoir de construction politique et sociale. Si la propagande fonctionne à merveille en fabriquant des conseils en « relations publiques », elle est en train de fabriquer une société qui n’a plus de fonctionnement politique. Celui-ci étant constamment brouillé par les pseudo-désirs de la société marchande.

Alors que Freud tentait d’expliquer, avec beaucoup de prudence, le fonctionnement du psychisme humain en une synthèse hors du commun ; son neveu, Edward Bernays, tout aussi brillant que son oncle, mais plus pragmatique, va ouvrir une brèche en appliquant l’étude du fonctionnement psychique au contrôle des foules que ce soit dans le cadre marchand ou politique. Une fois ouverte, elle va entraîner tout un pan du mouvement psychanalytique américain dans son sillon vers de sombres horizons dont il ressortira énormément affaibli à partir des années 50 alors que la propagande psychologique contenue dans la marchandise ou à des fins politiques connaîtra un essor sans précédent dans le monde entier. Les techniques de management, de coaching, de développement personnel, nées après les années 50, en voulant d’abord être un mouvement de libération politique vont se transformer en une nouvelle opportunité commerciale en affinant le contrôle sur le « moi » consommateur alors que ce dernier pense, croit avoir la possibilité d’exprimer réellement le sujet qu’il est sans avoir vraiment conscience qu’il adhère, en fait, à des stéréotypes préétablis. Fort heureusement d’ailleurs. En choisissant de manipuler des masses, des groupes la propagande des conseils en relations publiques ne peut agir que sur des schémas, des stéréotypes même si leurs fonctionnements sont redoutables d’efficacité.

La brèche ouverte par Bernays n’est que l’application performative du caractère fétiche de la marchandise pensé par Marx transformant et la marchandise et la politique en deux systèmes, à la fois opposés et concurrents nécessaires, modifiant profondément les rapports sociaux qu’il semble presque impossible de s’en séparer sans passer par une nouvelle révolution. A moins que cette dernière idée ne soit qu’une subtile nouvelle manipulation de masse.