Un premier contact avec l’enchaînemot

A William S. Burroughs & Bryon Gysin et leur livre : the third mind.

Partir des textes coupés, mélangés ou “cut up”. Puis projeter sur un graphique l’ensemble des combinaisons aléatoires possibles. Enfin observer quels types de mots, de phrases, de connaissances éventuelles il peut en ressortir.

image d’illustration enchaînemot

L’enchaînemot

Chaque proposition temporelle évolue telle une donnée dans la projection de celles qui les établissent et de ceux qui les observent. Projeter est l’une des formes de l’observation et, plus la rigueur sera de mise, plus le résultat escompté sera l’acceptation d’une connaissance sue et comprise comme une résonance qui se déploie dans le temps.

Le savoir, qui est inclus dans cette projection graphique, passe par quelque chose qui résonne au fur et à mesure que s’écoule le temps, mais, aussi, passe par la raison qui établit des liens temporels multiples entre chaque enchaînemot. La totalité des résonances cherche le juste enchaînemot car il est le lien graphique entre ce qui est projection et observation.

La connaissance se loge comme un savoir à l’intérieur d’une projection graphique qui s’associe à la mesure donc au temps pour livrer une nouvelle donnée sur celle-ci. Elle renvoie les observations/projections à une évolution qui se déroule dans une temporalité propre au monde d’où elle vient. L’enchaînemot est donc une représentation graphique à un moment donné, et, les crêtes sont les prises temporelles possibles des enchaînemots par observation et projection .

Ce même graphique inclut la notion d’espace et d’éloignement pour une personne se référant aux graphiques antérieurs. Elle désigne la valeur “ancienne” soit pour s’appuyer sur celle-ci, et, elle étaye sa lecture, soit elle démontre que sa lecture était erronée pour telle ou telle raison. A partir de ce schéma toutes les lectures demeurent possibles puisque leurs représentations sont relatives à une période de temps.

L’amalgame qui se superpose permet, au lecteur du graphique, de s’instruire sur une ou plusieurs des crêtes ; elles sont les représentations symboliques d’un savoir d’où est déduite une connaissance.

La lectrice mélange, à son gré, l’ensemble de ces facteurs, et, elle ajoute sa propre projection en fonction de son savoir. L’évolution de sa projection est une graphologie qui résonne tel un écho par l’entremise de l’ensemble des crêtes du graphique. Elle traduit le graphique en graphèmes vocaux devenant paroles géographiques lesquelles contiennent le paysage et parlé et graphique de la projection et de l’observation. Désormais cette lecture évolue, elle-même, en un nouveau graphisme qui s’ajoute au précédent et ainsi de suite jusqu’à l’infini tout comme l’est la structure résonnante d’une projection graphique qui s’appuie sur le déroulement temporel.

Les liens observés prennent la forme de lois pré-inscrites dans l’enchaînemot, mais ils ne sont pas des valeurs qui déterminent la manière dont chaque enchaînemot se combine à une autre enchaînemot. lls sont aussi résonance et évoluent comme n’importe quel objet n’ayant pas encore acquis de forme précise.

Ce qui fait règle n’est plus l’échelle de mesure, mais la variation de la résonance de l’enchaînemot prise entre chaque observation/projection, et, c’est cette dernière qui génère une loi pour chaque lecteur et chaque graphique. La connaissance n’est plus un bloc de propositions a-perceptives, mais une projection propre qui englobe chaque être et chaque ensemble graphique. L’élaboration des graphèmes de connaissance pris à partir de ces graphiques renvoie à la personne une image qui interagit avec ce qu’elle voit et comprend l’obligeant à interférer dans cette vision en forgeant une interprétation. Le résultat est que l’objectivité ne peut plus l’être en tant que telle, elle devient un objectif qui tend vers l’objectivité1.

Par cette tension créée entre l’être et la supposée objectivité, la lecture du résultat obtenu ne peut démontrer que ce dernier appartient formellement à l’un et/ou à l’autre, aux deux, mais jamais strictement à l’un ou à l’autre. Il ne reste pour l’être qui perçoit ce graphique par observation que la possibilité d’interpréter une sujétion entre l’un et l’autre de telle sorte que le discours qui en ressort est une valeur qui indique une valeur d’égalité à la représentation suggérée par la crête observée/perçue.

La construction de graphèmes nouveaux, forgeant de nouveaux termes impliquent l’observation/projection à se renouveler en mots appropriés à la crête A d’un moment et d’une position donnés. Cette crête génère un terme exprimé B, et, celui-ci retourne vers la représentation graphique soit pour recréer une nouvelle crête dans un moment différent de A, soit A’, soit recréer une crête complètement différente, C.

L’interaction née entre la personne et le graphique est une boucle quasi infinie de répétions, modifications, créations : graphique –> lecture –> génération d’un terme –>graphique –> lecture, etc. L’évolution est constante ; elle permet à chaque liseuse de percevoir sa propre vision du monde comme vision lui appartenant et comme projection ne lui appartenant pas. Graphiques, lectures et créations se mélangent continuellement obéissant aux lois propres de celle, celui qui représente un graphique par projection de son graphème.

Un discours rigoureux qui s’appuierait sur cette représentation tenterait de démêler les différents niveaux qu’il peut percevoir par besoin objectif sans jamais être certain de pouvoir tous les percevoir. La rigueur implique que la connaissance qui en est extirpée soit une réponse directement compréhensible de l’enchaînemot : compréhension immédiate, transformée et maîtrisée en connaissance. Le matériel connu de l’enchaînemot situe la projection et l’observation dans un modèle, un schéma qui repère la périodicité de ces mêmes crêtes contenues dans les graphèmes. il allègue des repères spécifiques aux périodes qui se répètent sur les axes du graphique. La connaissance, issue de ces enchaînemots, est accrochée sur les différentes branches des différents graphèmes résonnants. Elle est le moyen d’établir à une crête donnée (point de connaissance qui se glisse dans un graphème) une tension vers l’objectivité d’un monde ni objectif ni structuré pour être comme tel. Elle apparaît comme le signe de quelque chose en train de se propager, entre le graphique et la personne, comme une sorte de variation continuelle entre l’exquise propriété du désordre et de son contraire merveilleux, l’ordre.

Cette échelle variable de la connaissance représente l’idéal contenu dans l’enchaînemot, lui-même sujet à une disposition non ordonnée sur les différents axes du graphique. A partir du moment où nous nous référons à un système précis de représentation de l’enchaînemot, nous lui conférons un espace délimité spécifique basé sur telle ou telle crête du graphique qui s’accumule en graphème pour devenir enchaînemot. Nous n’utilisons presque jamais toutes les possibilités offertes par les enchaînemots parce que les possibilités entre les différentes crêtes des axes du graphiques sont trop nombreuses. Pour obtenir cela, il faudrait que le langage se réapproprie l’aléatoire afin d’entrevoir toutes les possibilités présentées. Toutefois la meilleure preuve de l’aléatoire serait de retrouver un soit-disant ordre qui signifierait bien une linéarité concrète, une sorte de fond logique ultime attestant d’une organisation qui pourrait se tracer entre un début et une fin. Pour retrouver cet ordre linéaire supposé, il doit exister un nombre aléatoire de variations continuelles qui exprimera dans son enchaînemot, peut-être, une série de connexions ordonnées propres à transmettre au graphème l’idée même d’une organisation. Mais au même moment où ce dernier apparaîtrait, il serait aussitôt re-projeté dans le graphique de telle sorte que son organisation sous forme d’ordre s’effacerait. Ce qui annihile toute forme de connaissance d’un ordre.

transmutation, immuabilité, allotropisme

Les enchaînemots ont pour unique fonction de se démultiplier dans l’art de l’organisation des graphèmes. Un enchaînemot qui ne se transmue pas serait une connaissance dont la valeur exacte dépendrait de son degré de stabilité. En outre les enchaînemots qui ont la faculté de se transmuer changent de formes constamment. Ils ne possèdent ni formes exactes, ni contours précis. Or les configurations qui peuvent naître entre ces deux types d’enchaînemots infiltre l’esprit même de la connaissance.

A chaque enchaînemot, sa transmutation en crête ; cela revient à montrer que l’exactitude graphique qui ne cesse de créer des crêtes pour ceux-là reste un des principes de l’harmonisation dont le but est de constituer par des formes précises des graphèmes mais dont les configurations multipliables sont continuelles jusqu’à telle prise d’observation / projection qui en distinguerait les contours : un monde en harmoniques distinctes qui ne cessent de résonner entre elles. Cette distinction harmonique dessine un espace qui préfigure les configurations non encore définies.

L’installation dans la vie de ces enchaînemots augmenterait le degré de projection de sa détentrice : changeant continuellement de formes, ils signaleraient, par leurs présences, les mouvements infinis de l’univers. Sans formes, puisque indéfinissables, ils nous laisseraient fascinés voire subjugués par leurs beautés de pureté physique ; synonymes de poésies.

Quant à l’enchaînemot qui ne se transmue pas, il démontrerait l’immuabilité de ce monde, son caractère éternel. Sa structure fixe dont la forme et les contours seraient nettement définis relativiserait l’enchaînemot de mutation.

Leurs natures comme leurs structures s’harmonisent et se complètent. Ils représentent cette paire qui est nécessaire à leurs modes d’existences. La confrontation de l’immuabilité et de la transformation désigne l’harmonie de leurs propres organisations supposées.


  1. Tout comme il y a la sagesse et la philosophie. S’approcher de la sagesse tout en l’aimant et en acceptant de ne pas être un sage.↩︎