Tombe, tombant, tombé

ou la conquête d’un nom

Premier

Chevalier à la cuirasse, au bouclier et aux ailes d'or.
Éveille-toi !
Le sang n'a que trop coulé dans les fioles du rieur.
Passe par la porte !
Et de ton cri strident emplis le désert lumineux.
Qu'il anéantisse les nuées malfaisantes.
Et de ta vue tu contempleras les chevaux qui se déplacent
Comme le blé brossé par le vent.
Tel est ton pouvoir, telle est ta force.

Second

Voici que l'eau prend la place,
elle exerce sur les parois qui te
protègent une pression telle que lorsque tu atteindras le
lieu transparent où se rejoignent tous les murs
tu devras cueillir une première goutte ayant la forme
d'un ballon de football.
À ce moment regarde d'où vient la goutte, tu verras une
lumière intense qui voudra te happer.
Les flux envahiront la place où tu sièges
et tu choisiras de prendre les escaliers,
mais tu hésites car tu ne sais pas
s'ils montent ou descendent.

Troisième

De nombreuses pièces entourent un parcours labyrinthique
Où de multiples personnages aux souvenirs heureux
et d'autres non
T'empêcheront d'avancer s'ils le peuvent.
Lorsque tu sortiras, un autre essayeras de te faire revenir
En te rappelant que tu es nu.
Ne l'écoute pas !
Tu arrives à la source.
Cette source est comme une image de carte postale
L'eau y est d'une teint bleu-vert, calme et sereine
Tandis qu'elle est entourée de parois grisâtres, lisses
et tortueuses.
Te voilà prêt pour entrer dans le cœur
Mais les gardiens feront tout leur possible
Pour te prohiber l'entrée, ils choisiront
Ce qui te persuadera le plus de reculer
Car qui d'autre que toi-même te connaît le mieux
pour te persuader de ne pas avancer ?

Quatrième

Tu es à la fois le contemplateur de la scène
et l'acteur principal.
Tu te sens tombé en même temps que tu saisis le concept
de tomber.
Sentir tomber est la naissance de ton événement.

Cinquième

Les chemins sont
parfois ouverts,
parfois fermés,
parfois accidentés,
parfois réduits,
parfois impraticables.
Avec la même source que nos émotions les chemins ont
été construits en de géographiques équivalences.
Elles s'apparenteront, plus tard,
aux équivalences motivées du calcul.
Il faut les comprendre pour continuer à avancer.
Toujours les chemins conduisent à un endroit, un but.
Arrivé, tu ne pourras entrer que si tu es connu, que si
Ton nom est prononcé par ceux, celles qui le connaissent
Sinon tu resteras à l'entrée.
L'entrée est toujours là, proche de toi.
Il n'existe aucun mur sans brèche.

Sixième

Avoir son nom prononcé par celui, celle qui le connaît.
Mais qui connaît ce nom ?
Je ne parle pas des patronymes affublés et affabulés
par naissance et famille.
Je ne parle pas de celui qui dirige ta vie
Mais de celui qui produit la vie.
Ce n'est pas un nom mystique, ni divin.
C'est un nom autre que le mot,
Autre que le concept qui se forme
Autre que l'événement qui se vit.
C'est celui par lequel tu es tel que tu es.
Et personne d'autre ne peut l'être à ta place.
C'est le nom qui se cache dans tes rêves.
À chaque fois que tu l'aperçois,
Ton rêve de le connaître le déplace
dans un autre ailleurs
constitué d'oublis.

Septième

Bredouille : tu essaies d'obtenir un nom de prestige
en espérant que cela vaudra bien celui que tu as oublié.
Et enfin tu pourras te reposer sur tout ce que tu peux en dire.
C'est ainsi que commence la nature du langage et c'est
aussi la nature du son que tu inscris comme l'horizon
de tes paroles muettes auréolées de textes persuadés.

2005/2020