Nam Shub, l’information & la communication

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L’information et la communication

Présentation

Dans le mode associatif, ces deux termes s’entrecroisent. Dans celui de l’entreprise, ils deviennent des entrées/sorties. Ils représentent une sorte de figure quotidienne de connexion des flux langagiers qui passent par eux et agissent comme des canaux d’entrée (information) et de sortie (communication). Entre les deux un système d’analyse peut entrer en jeu afin d’atteindre une sorte d’adéquation entre information et communication.

Dans le texte suivant, les notions d’information et de communication seront remplacées par le symbole ]i-c[ afin de faire ressortir non pas la définition de ce qu’est une information, une communication, mais leur mode opératoire, agissant dans le quotidien susceptible de définir un réel. Alors que s’il fallait définir ces termes, des personnes agissant dans le quotidien pourraient affirmer que ces définitions ne sont pas dans le réel ni dans le quotidien. Elles seraient purement intellectuelles et, en conséquence, détachées du monde. Elles seraient hors sol, et, n’auraient aucun impact sur ce dernier. L’]i-c[ est surtout un élément oral qui n’a pas pour but d’être écrit ou bien défini. Elle est un mode opératoire de l’oralité.

]i-c[

En tant que système opératoire ]i-c[ fonctionne comme une construction devant produire un effet sur le quotidien. D’abord il y a le bruit autour de ]i-c[ formé par une multitude d’interférences liées à celle-ci ; ensuite il y a l’objet de ]i-c[. Le bruit et l’objet peuvent se propager à une très grande vitesse et même générer d’autres ]i-c[ à partir du bruit créé par l’un d’eux. En général plus vous êtes éloigné dans le temps et d’un groupe qui propage une ]i-c[, plus son effet réel s’amenuise. Une fois ]i-c[ dissipée dans le temps et l’espace, il reste encore une structure résiduelle constituée par le bloc objet-bruit de ]i-c[. Celle-ci constitue une forme de ]i-c[ de moindre importance, mais elle transporte un ou des éléments essentiels constituant de la première ]i-c[.

Qu’est-ce qu’une ]i-c[ résiduelle ? 

Un exemple simple : la vie quotidienne constitue notre actualité permanente et il n’y a que lorsque cette dernière est interférée par un humain qu’elle devient une structure assemblée au sein d’un langage et produit une ]i-c[. Nous avons un besoin continu de produire des ]i-c[. Lorsque notre vie quotidienne est transformée en une ]i-c[, celle-ci est propagée telle qu’elle a été pensée, vue, comprise par un humain quelconque. Or ce dernier, pour construire une ]i-c[, s’est inspiré de la vie quotidienne qui est, en soi, l’objet résiduel de l’]i-c[ ; celui qui perdurera tout le temps nécessaire de sa propagation. 

Toutefois la vie quotidienne est là pour nous protéger des ]i-c[ en transformant toute activité quotidienne en quelque chose de monotone, d’habituel, de non surprenant ; bref la vie quotidienne est le flot continuel de la vie qui ne sait pas ce qu’est une ]i-c[. C’est l’humain qui a besoin de celle-ci et prétend savoir ce qu’est une ]i-c[ en transformant chaque bribe de notre vie quotidienne en autre chose, il ou elle lui donne une forme et fixe celle-ci comme quelque chose de signifiant, de remarquable par rapport au flot continuel de la vie quotidienne. «Ce qu’il se passe» est, par conséquent, le mythe même de toute ]i-c[ ; elle fixe et fige un moment du flux comme une trouvaille extraordinaire. 

Une ]i-c[ ne constitue pas le flot continuel de la vie quotidienne, mais une collection parallèle de moments fixés et figés. Pourtant elle tend à s’immiscer dans notre vie quotidienne comme un fait quotidien diffusé selon des procédés techniques précis afin de la rendre aussi quotidienne, aussi banale que possible. Or une ]i-c[ n’est pas une chose banale et toute reproduction extraite de la vie quotidienne ne peut être celle-ci, uniquement son image éloignée du quotidien. Elle a été ôtée de sa banalité par l’humain afin de nourrir le mécanisme qui la fabrique. C’est cette transformation qui lui donne un caractère non banal, mais ponctuel, parfois extraordinaire, dont beaucoup croient qu’elle est alors constitutive d’une histoire qui se déroulerait sous nos yeux depuis un début jusqu’à une fin.

La propagation de ]i-c[

Une ]i-c[ peut atteindre n’importe quelle personne et modifier, en retour, le comportement de cette personne qui reçoit celle-ci laquelle doit être analysée, décryptée afin de savoir si elle est vraie, fausse ou tangible : ne porterait-elle pas en elle-même quelque chose de fondamental, d’essentiel qui serait une des expressions de la vérité ? C’est sur ce concept que la propagation de l’]i-c[ repose. Il n’y a même pas besoin d’identifier l’auteur, l’autrice de celle-ci ni de savoir comment elle a été émise et par quels moyens. Son fonctionnement autonome, une fois qu’elle a été transmise, assure son existence comme élément tangible et réel.

Une ]i-c[ est considérée comme tangible sans même connaître son caractère vrai ou faux parce qu’elle repose sur des fondements considérés comme réels et agissant dans ce dernier. Une fois reçue elle peut modifier la prise de décision au sein d’un groupe de personnes ou d’une personne, à condition d’accepter qu’une ]i-c[ puisse modifier la banalité quotidienne en autre chose. C’est pour cela qu’elle transporte souvent, avec elle, un caractère extraordinaire, en dehors de la banalité. Il faut remarquer qu’une ]i-c[ reçue au sein d’un groupe est souvent considérée comme la destination de celle-ci : tel groupe de personnes ou tel individu sont les récepteurs identifiés et destinés d’une ]i-c[. Or cela n’est pas nécessairement vrai. Elle peut être renvoyée par l’individu ou le groupe de personnes vers d’autres groupes de personnes. Certains aspects de l’]i-c[ originale peuvent avoir été modifiés, c’est ce qui constitue son bruit. Une ]i-c[ ne saurait se propager sans le bruit qui l’entoure.

D’une manière paradoxale, personne n’imaginerait ou propagerait une ]i-c[ qui serait la parfaite copie du quotidien et de sa monotonie.

De quelques expériences

Une ]i-c[, à partir du moment où elle est retirée de sa banalité, peut se propager d’une manière extrêmement rapide. Une fois ôté le bruit qui entoure l’]i-c[, ses distorsions expliquent comment une personne ou un groupe répercutent celle-ci. Il est possible de repérer la manière dont se propage une ]i-c[ et même d’ajouter volontairement du bruit à un moment donné afin de transformer la manière dont elle se propage.

Une ]i-c[ n’est pas uniforme. Elle est protéiforme, multiforme. La propagation continuelle de multiples ]i-c[ avec leur bruit permet de brouiller les pistes sur la manière dont nous percevons notre propre vie quotidienne. Une ]i-c[ qui parvient a modifier notre comportement dans la vie quotidienne est une ]i-c[ supposée active qui atteint son but. En touchant une catégorie de personnes, elle redevient un élément essentiel, intégré à la vie quotidienne. Réintégrée ainsi, elle constitue désormais un objet corrélatif à la vie quotidienne qui peut modifier le comportement de telle ou telle catégorie de personnes sans que l’ensemble total du quotidien ne soit complètement transformé auquel cas l’]i-c[ pourrait devenir une révolution. Personne ne manipule personne, mais l’importance de la transmission de quelque chose susceptible de modifier autre chose. En réponse à cela, une personne pourra ou non modifier son comportement et/ou ses idées. Tout le monde s’acharne à faire de l’]i-c[ un élément tiré de la vie quotidienne ayant une signification particulière au sein du quotidien dans l’espoir de faire quelque chose d’autre que la perception de sa propre banalité.

L’autre intérêt d’une ]i-c[ est qu’elle se dissipe dans le temps et l’espace. Plus elle s’éloigne du moment où elle a été émise, plus elle se dissipe et ne conservera qu’un caractère résiduel très proche de la vie quotidienne. Au bout de quelques jours, mois, années plus personne ne connaît le contenu exacte de l’]i-c[ initiale ni son contenu résiduel.

Dissipation de l’]i-c[ et réalité d’un vieux mythe métaphysique

L’objet oral que représente une ]i-c[ dans sa propagation est qu’elle ne se destine pas à perdurer mais bien à se dissiper au bout d’un temps certain dans l’espoir que son schéma spécifique résiduel modifie quelque chose à plus ou moins long terme ; ce dernier repose sur un principe métaphysique éculé selon lequel il existerait une réalité objective indépendante de notre vie quotidienne et qui constituerait un objet à atteindre en retour dont l’]i-c[ serait la forme même. C’est par cette vieille conception métaphysique de la réalité objective en-dehors de notre vie quotidienne qu’il est possible de maintenir dans des structures prédéfinies à l’avance des ]i-c[ alors que l’objet même de celles-ci est de se dissiper au bout d’un certain laps de temps. Nous pouvons voir dans cette construction comment l’]i-c[ est utilisée dans un double sens à la fois de disparition mais aussi de perpétuation de sa présence imaginaire comme un fait objectif en-dehors de la vie quotidienne. De ce fait une ]i-c[ ne peut être que continuellement émise afin de perpétuer son propre mythe métaphysique. 

Dans l’idéal, il suffirait d’empêcher toute ]i-c[ de prendre source dans le quotidien auquel elle s’auto-alimente d’une manière continuelle, afin que celle-ci se dissipe et finisse par disparaître. Mais cela est quasi impossible, il faudrait se placer en dehors de tout système de langage par une coupure directe. Sa source, avant qu’elle ne soit identifiée à une ]i-c[, ne pourrait plus nourrir cette vieille conception dualiste laquelle tend à faire croire qu’une ]i-c[ peut-être à la fois vraie et fausse selon les points de vue si ce qu’elle transporte est tangible. Ce qui pousse à la perpétuation de ce mythe métaphysique selon lequel il existerait une modalité objective au-delà du caractère vrai et/ou faux de l’]i-c[, en-dehors du monde et de nous-mêmes. C’est ce qui fonde son caractère tangible. Elle est devenue intériorisée, conceptualisée dans les personnes comme un élément réel qui constitue et fabrique un monde extérieur à notre propre quotidienneté.  

L’information doit être conservée !

La vie quotidienne est un élément du vivant qui ne peut être soumis à la transformation en une ]i-c[. Il serait souhaitable de réduire celle-ci en ne propageant plus l’idée qu’il existe une réalité différente de notre banalité qui supposerait une offre plus élaborée, plus alléchante du quotidien et de sa monotonie. Cette offre serait fondamentalement différente.

Elle ne serait plus un emballage qui enveloppe et conserve le résiduel du quotidien afin de le distribuer comme une promesse de la différence du quotidien tout en apposant sur ce dernier l’étiquette de la distinction humaine : «animal quem vocamus hominem». Autrement dit : mettre dans la promesse, l’objet même de sa propre impossibilité afin de suggérer une critique qui appellerait à un autre monde. La boucle est bouclée.