Nam Shub, langage

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Comment parle un langage ?

Présentation

Lors d’une discussion, au sein même de la clarté du dialogue, surgissait, parfois, des termes incompréhensibles1. D’un seul coup, je n’appartenais plus à cette discussion. Je devenais l’étranger. Toutes les autres personnes qui comprenaient ces mots se reconnaissaient comme appartenant à ce groupe. POur arriver à suivre la conversation, il faut demander le sens de ces expressions. Parfois les réactions sont déconcertantes comme si le fait de demander simplement le sens, ce que ça veut dire, empêchait celui-ci de paraître. D’où cette question : mais comment parle un langage ?

La liberté est le fondement du langage

Tout le monde se sent plus ou moins prisonnier à cause des habitudes de la vie quotidienne. Apporter une libération de ces contraintes est toujours la promesse que n’importe qui peut briser ses habitudes et atteindre un certain degré de liberté.

Le langage est une promesse de liberté. Ce qui est vrai.

Il explique toujours que la liberté est quelque chose de vrai. Qui ne voudrait pas être libre ? Vraiment libre ? Capable de franchir un chemin non tracé ? Ou de refaire sa vie, une vie sans les contraintes du système dans lequel il ou elle est plongé ? De quitter sa condition misérable pour devenir quelqu’un, une, et, enfin, faire quelque chose de bien ? Le langage est là pour montrer le chemin de la vérité (difficile et semé d’embûches, certes, mais telle est la continuation d’un langage qui dure dans le temps).

Ce qui est vrai est le chemin de la vérité. Et la vérité amène à la libération.

L’argumentation principale du langage doit amener au chemin de la vérité, à ce qui est vrai. Tous vos arguments, dans n’importe quel type de discussion et ce à tout moment doivent démontrer que ce que vous affirmez est vrai et que le ou les autres avec qui vous discutez sont, forcément, dans l’erreur. Le langage ne détient pas la vérité, certes, mais il sert à expliquer ce qui est vrai. La subtilité est ici.

Le langage est toujours dans l’espace du vrai.

Ce qu’il exprime est toujours dans un espace du vrai même s’il ne reflète qu’une partie du réel. Ce qui pousserait à croire que le langage puisse être dans l’erreur s’il ne se situe pas dans cet espace. Et si, par hasard, il se trouve confronté à une argumentation en dehors de l’espace de compréhension où il est vrai, alors il réarrangera ce déplacement de l’espace du vrai afin de ramener cette argumentation à quelque chose qu’il inclut dans cet espace.

La condition de l’espace du vrai est toujours du type : A ne peut être B.

Ce qui est fondamentalement vrai. La lettre A n’est pas la lettre B.

Il y a toujours des personnes qui recherchent la vérité dans l’espace du vrai.

La vérité s’adresse d’abord à ces personnes. Ce sont elles, les premières, qui formeront le noyau de l’espace du vrai. Les personnes qui doutent, qui ne sont pas convaincues ou qui montrent un peu trop de sagacité face à cet espace du vrai s’écarteront d’elles-mêmes de ce dernier ou seront à écarter de celui-ci.

Les personnes qui recherchent la vérité dans l’espace du vrai sont prêtes à croire.

En leur expliquant que le chemin de la libération est long et difficile, ce qui est vrai et une lapalissade tautologique, le langage leur donne, au fil du temps, les moyens de donner à l’espace du vrai une réalité qui aura été vécue comme une expérience. Cette dernière participera au consentement que cet espace du vrai est aussi réel que n’importe quelle autre expérience. Le langage pose toujours les bonnes questions : celles qui fâchent comme celles qui ne fâchent pas. Les questions sont le meilleur moyen de convaincre tout le monde même les plus récalcitrant.e.s que l’espace du vrai défini par le langage peut les amener vers le chemin de la libération.

Le langage de l’espace du vrai ne porte pas sur la croyance.

Le langage est le «leader» qui ne veut jamais du pouvoir ni de la croyance. C’est dans l’espace du vrai que les décisions se prennent sous son influence. Bien entendu, si un ou plusieurs éléments de langage ne partagent pas cet espace du vrai alors il suffit au langage de poser les arguments en variations binaires du type A n’est pas B et si B n’est pas A alors A est bien A et B est bien B : il ne peut y avoir d’erreur.

Les résistances du langage permettent de mieux comprendre les relations de la vérité dans son espace.

Le but est d’arriver à ce que le plus de personnes soient d’accord sans que la vérité ne soit jamais appelée, exprimée ainsi l’espace du vrai se définit lui-même comme véracité sans jamais travailler sur l’idée de vérité. Si, malgré cela, il y a toujours une, des résistance-s alors c’est la voix de la majorité qui l’emporte comme auto-détermination de la véracité. Ainsi elle existe au sein de l’espace du vrai tout en incluant des contre arguments à son propre discours.

L’espace du vrai aime les images, les représentations initiées par le langage.

Les chansons populaires du monde entier affirment toutes la même chose et l’espace du vrai doit affirmer cette chose. L’amour de la vie est fondé sur la représentation de cette émotion. Il va de soi que toutes les images, les représentations de la vie quotidienne seront répertoriées dans l’espace du vrai comme un chemin qui part du vrai pour aller vers la vérité. Induire un cheminement intellectuel comme expérience de vie émotionnelle par le biais d’une représentation est la condition par laquelle l’espace du vrai se vit comme une expérience relationnelle intense proche de la relation amoureuse.

Le cheminement au sein de l’espace du vrai le rattache à une légende qui sera vécue.

Par le cheminement du vrai vers la vérité, le langage élabore sa propre légende. Il montrera de la hargne voire même de la haine envers le système d’expressions avec lequel il n’y a pas d’espace du vrai qui corresponde au sien, et, il montrera de l’amour envers les expressions qui soutiennent les principes du vrai selon son espace propre. Il n’hésitera pas à montrer sa bravoure en affrontant le système contre lequel il se positionne au risque d’être hors la vérité pour ce système. Mais est-ce vraiment cela ? Le langage n’est pas hors de lui-même, ses expressions seules sont en dehors de l’espace du vrai qu’il définit.

La légende est ce qui fonde la véracité de l’espace du vrai.

Lorsque par le chemin de la recherche du vrai de la vérité le langage atteint la légende non pas la libération alors il est fondé comme réel sans avoir libéré qui que ce soit ou quoi que ce soit, mais cela est une autre histoire.

Addenda : quelques trucs et astuces

La légende du langage est autorité.

Elle agit comme un événement du système d’expressions et elle défend les corrélation de l’espace du vrai. L’inscription de ces événements instaurent une participation du réel afin de développer l’argumentation du vrai de la vérité au sein d’un espace indéfini.

Construction de l’autorité

Celle-ci s’établit en scrutant dans l’espace du vrai ce qui surnage dans d’immenses détails insignifiants comme une réalité susceptible de construire des arguments. Faites croire que vous critiquez la société, le monde en dénichant depuis des décennies des analyses toujours plus inutiles les unes que les autres. Nourrissez-vous de la décadence de notre société à partir d’un espace du vrai pour la transformer en une promesse de quelque chose d’autre. Vous devez faire croire à la création d’un nouveau contre-pouvoir qui mettra fin au pouvoir existant, mais juste pour reproduire les mêmes erreurs.

L’autorité de l’espace du vrai est celle de la différence !

  Le problème des expressions de l’espace du vrai correspond au degré de concurrence dangereuse ou non avec d’autres systèmes du vrai. Par exemple : «Laisser croire aux médias qu’ils montrent la vérité ; cela en occupera d’autres qui parleront de théorie du complot.» Ce problème peut se représenter sous la forme de symboles et d’écritures afin de rassurer tout le monde. Il génère plusieurs approches différentes. Le meilleur moyen pour approfondir ces approches multiples est de les recombiner, de les mélanger avec d’autres existantes afin de mieux troubler toutes les autres approches. Inévitablement de nouvelles relations non inclues dans l’espace du vrai apparaissent. Ces relations doivent être ouvertes non fermées. Une relation fermée est une présence qui n’a pas d’avenir dans un espace du vrai. Une relation ouverte est une présence qui pourra être reprise pour chaque espace du vrai, à l’instar de l’exemple ci-dessus.

La différence est ce qui fabrique le réseau des relations.

Un problème peut être perçu comme tel à partir du moment où il lui est attribué de nouvelles relations possibles et ouvertes. Les relations possibles sont des représentations diffuses. La méthode consistant à éclaircir ces représentations diffuses est de les lier à d’autres, plus claires : le chemin du vrai vers la vérité. Le résultat débouchera sur une nouvelle approche susceptible de recevoir une approbation concrète. 

De la connaissance des conséquences

La clé de notre société qui alloue des espaces du vrai est basée sur la connaissance des conséquences. Ce qui implique une recherche sur, justement, des causes qui ne sont pas forcément conscientes mais qui appartiennent à ces espaces où le vrai se niche. Dès lors chacun, chacune détient, potentiellement, la capacité de décoder, de décrypter, de lire entre les lignes afin de percer au jour les causes à partir des conséquences connues. Un événement tel qu’il nous est présenté ne s’est jamais réellement passé ainsi.

A partir de la connaissance des conséquences, toutes les options sont possibles puisque l’hypothèse première possède un certain degré de plausibilité dû au fait que nous sommes tous et toutes des observateurs, des observatrices ayant un point de vue spécifique. Dans ses grandes lignes, la connaissance des conséquences est toujours la même, mais dans ses détails apparaissent des versions différentes qui corroborent le fait que tout n’est pas dit à son sujet.

Si dans ce phénomène de la connaissance des conséquences, un espace du vrai ne peut contenir tout le vrai alors la preuve est démontrée : la vérité sur ce que contient réellement un tel espace est cachée ; il faut procéder à une enquête afin de savoir.

Ainsi la connaissance devient un objet de l’appel des conséquences. Et, dès lors celui, celle qui sait ce que les autres ne savent pas saura décrypter le point singulier devenant le passeur, le transmetteur d’une vérité qui n’existe que par la connaissance de ses conséquences. Elle en devient la cause, l’objet et son objection.


  1. Par exemple ]i-c[, expliqué dans le texte «information et communication».