400 euros, en échange de Pauvre, Oisif, Fraudeur
400 euros pour vivre, 400 euros à dépenser en un mois sans savoir comment manger correctement payer correctement sortir correctement vivre avec un minimum de dignité. Un loyer à payer, de la nourriture à payer, des factures à payer, des habits achetés à deux euros pièce, déjà limés mais assez solides pour ne pas être habillés de guenilles. Et en plus ils nous promettent de plus en plus de contrôles, de la CAF, en étudiant notre niveau de vie (sic !). Avec 400 euros, tout est cher. Tout est toujours trop cher. Rien ne peut être acheté sans que dans la bouche vienne l'expression « trop cher ». Petits boulots qui rapportent quelques miettes. Parents, amis qui nous aident en fin de mois afin de ne pas crever de faim. Comme récompense : une convocation, un contrôleur de la CAF, qui, sous le couvert de la loi, véritable petit soldat de la misère, assène sa triste vérité : «Tu es un fraudeur». Un fraudeur parmi les fameux fraudeurs dont les médias nous tannent depuis maintenant plusieurs années. Frauder c'est tous simplement ne pas crever de faim, ne pas se retrouver à la rue pour le plaisir d'être « honnête ». C'est aussi, parfois, prendre le droit de se payer des loisirs, un resto, un ciné, un week-end, participer un peu à la vie plutôt que de se taper une vie de merde en payant le prix de la fraude en plus. Quand ils parlent de fraudes nous parlons de survie. Quand ils suspendent un RMI pour n'importe quel prétexte et/ou réclament toutes les sommes versées par la CAF sur plusieurs années, la seule solution est de réagir collectivement afin de faire annuler la décision, de montrer votre colère à l'état brut car ils ne savent pas ce qu'ils font ni n'en ont conscience. Ils répondront toujours qu'ils sont la coupe de la loi et de la hiérarchier mais rien ne les empêche de ne pas obéir. Disputes et incompréhensions. Que veulent-ils de plus ? Être pauvre n'est pas assez ? Pas suffisant ? Être pauvre ne suffira jamais. Il faut être Pauvre, Rmiste, Oisif, Fraudeur. Il faut que tu tiennes ta promesse sinon tu n'auras pas droit à 400 euros ! Ne serait-ce pas la chose la plus délicate qui brillerait dans le cœur de ceux, celles qui jugent avec leurs dents prêtes à trancher qu'ils ou elles cachent derrière des sourires joyeux : Pauvre, Rmiste, Oisif, Fraudeur ? Pauvre parce que pas assez d'argent mais aussi pauvre type, pauvre de toi pauvre femme, fou, folle. Ne jamais l'oublier. Rmiste incapable de travailler, Soupçonné de n'avoir jamais travaillé et toujours assisté. Méprisé comme il se doit. Ne jamais l'oublier. Oisif qui ne fait rien de ses jours Mais si tu fais quelque chose, tu es un fraudeur. Ne jamais l'oublier. Fraudeur parce que coupable aux yeux des autres de recevoir 400 euros sans travailler. Punir est ton chemin. Ne jamais l'oublier. Quelle est donc cette identité qui nous est donnée sans notre consentement, notre avis, notre personne, ce que nous sommes ? Quel est donc ce contrat social Qui nous flanque une identité de pacotille qui n'est jamais la nôtre Mais celle des idéologues, des politiques, des données statistiques, des journalistes, des experts, des discours sociaux, des gestionnaires de la misère, des pages psy des magazines, Qui, mieux que nous, savent qui nous sommes, ce que nous sommes, et pourquoi nous sommes pauvres. Ils le savent tous et toutes tellement bien qu'ils sont prêts à nous offrir des lois, des jugements, des leçons, afin de nous montrer que la raison est avec eux, avec elles. La raison de connaître notre vie sur la base de rumeurs (pour les infâmes), de statistiques (pour les journalistes), de courriers psy (pour les stupides) d'analyses creuses (pour les donneurs de leçons), de convictions erronées (pour les gestionnaires de la misère). Ah ! Quelle fierté d'avoir été jugé, reçu des leçons, été pris pour une donnée sociale sans que jamais l'humain ne transparaisse vraiment. Mais celui-là, l'humain, personne ne le voit Car tous, toutes devraient reconnaître qu'ils ont appliqué le masque du grotesque, de la bêtise, de la bouffonnerie en transformant l'humain en chose, objet, truc, machines, données. 400 euros pas mois et, en échange, Nous devons accepter d'être à l'image de ce monde : Pauvres Rmistes Oisifs Fraudeurs. Pourquoi vous nous en demandez autant ? Je bois à la source le nectar, Et te dis : «Tchin Tchin».
17/01/09