Fatrasie en quatre mouvements

image d'illustration

Ode écologique aux déchets industriels

01

Sur les sols trépidants industriels, les déchets métalliques, organes sans organismes, ondées aux saveurs électromagnétiques, traversent la raison humaine suffoquée. Profusion d’une pensée coagulée. Les bétonnières tournent et retournent le sang grisâtre des : «Je suis forcé de forger la technologie humaine afin qu’elle n’évoque plus de nouveaux accidents naturels.» Allant du corps au mur, le béton enveloppe la tête d’un invisible rassurant. Au loin les métallurgistes façonnent, de sons aigus et sourds, les visions d’une réalité éloignée, vapeurs profanées d’un orage fait de pierres épongées qui séparent l’humain de la nature. Le préfabriqué enferme lentement toute parole. Phoniques de mondes surpris par des restes d’imagination puis ploient les visibles en instants suffoqués créant l’illusion d’un présent : «Je me souviens de demain, c’était exactement comme hier.»

L’être salue alors les pustules naturelles de son âme. Il invoque les armes de l’âge en manipulant les sons : amas de bruits flous. Endormis sur un sac d’os, les crânes tambours et les flûtes tibias jouent la symphonie mystique des malentendus : cris d’outre-tombe, vrilles moléculaires aimant la destruction. Les parois cellulaires, assoiffées de la dictature maladie, engagent, au nom de la mort, une guerre contre la vie et grésillent de paroles scandées à l’inconscient : «Ne fuyons pas nos valeurs : détournons-nous de la vie !»

Les scansions mécaniques reviennent et transforment la paisible peine en peurs patronales. La fraîcheur idéologique, tissu humide altéré par les habits de la répétition, fonctionne au régime de la méthadone biblique. Les fumées crépitantes demandent l’épaisseur des tissus cellulaires. Fraîches souillures à utiliser deux à trois fois par jour avec de la sciure d’argent. Boire la vapeur des cendres monétaires et s’allonger sur le lit de la cathode non moins électronique, pétale chauffé à l’image.

Se reposer quelques heures devant l’écran de la pensée. Laissez-vous faire. Détendez-vous. Inquiétez-vous du malheur et du bonheur du monde pour laisser agir la maladie en toute tranquillité. Votre corps brûle sans respirer. Il est la désincarnation contre le monde incarné de paroles techniques. Vous ingurgitez quelques grammes d’éthyliques alcools aux sucres à succès, adustion dont le mélange doit être bien dosé afin de créer un autre monde, un «nôtre» monde. Pour le repas, servez-vous des larmes acérées des cachets multicolores rappelant les bonbons de votre enfance afin d’oublier l’autre et son monde. Asseyez-vous copieusement autour des déchets et copulez avec les aiguilles introverties de la molécule chimique.

Si l’odeur vous convient, respirez à pleins poumons la fraîche pourriture de l’air et sucez les liquides soyeux d’entrepôts pétrochimiques. Puis exercez la folie du devenir en un manichéisme bien connu : prenez-vous en aux autres, redoutez la nature et la fragilité des liens. Nourrissez le bon goût comme le dégoût. Crachez vos aboiements sirupeux sur les murs blancs et douillets de la société. Devenez noir comme la verrue pulpeuse du malade agonisant. Allez ! Faîtes-le ! C’est la nature qui vous le demande. C’est la nature qui vous enferme dans les villes tentaculaires ! Ingurgitez les déjections polluées. Sortez de vos limbes le pire de vous-même. Il sera la proie de ce monde : de votre lieu localisé, la chambre est votre âme.

Soignez sainement votre âme-chambre. Ne vous contrôlez plus. Vivez tous les extrêmes ! Soyez extrémistes, intégristes, terroristes ! Souriez à ceux, celles qui vous dénoncent. Obligez-vous à devenir le serviteur de la folie de ce monde, de l’autre monde, de ces «mondes» en somme.

02

Surgissent les objets-déchets au cœur des âmes chambres. Les cascades vocales rebondissent sur des «mots» délavés de leurs alphabets, bloqués sur les ondes métallisées. Les chambres se brisent, une à une, en éclats d’ombres absorbés par les cristaux enchanteurs du bonheur affiché sur les écrans. Ils soufflent le joyeux ballet des rayons de lumière. Falaises obsédantes séparées de l’ombre, le calme est autour de l’éclaireur, doux rayon qui falsifie l’intensité du monde en lui révélant qu’il n’est que transparence. Sur le sol, les vibrations entonnent des danses vocales et avalent les objets préfabriqués en déchets construits aux abords du silence.

Sur la place se fixent les objets-déchets. Les âmes chambres clôturent les objets. Puis les déchets tombent de falaises en cascades de rires ambrés. Gémissements du goudron fredonné, il perdure et désire. Envoûtées les âmes chambres hésitent entre les voix suintantes de ondes métalliques et les ‘ah’ de la jouissance. Proche est l’achèvement. Les perceptions troubles se dispersent et changent le précipice absorbant en un précipité figé. Apparaissent les souvenirs de râles résonnants parcourant l’espace et dont on avait oublié la présence. Ils reviennent mêlés de lourds fracas et de cris violents. Arrachés aux cordes vocales en un rire moqueur, ils rappellent à la lumière de quoi se compose la parole humaine. Les âmes chambres, perturbées, cachent le mépris de cette langue des âges qui ne peut plus posséder la raison : rieuses et malignes s’imaginent-elles.

Les objets-déchets lancent un dernier message. Volitions d’une mélodie désarticulée elles annoncent sur le long chemin du partage un grincement forestier qui s’étend sur le fond d’une onde planétaire. Les objets capturent les âmes chambres et rient désormais de l’aveuglement du déchet qui les accompagne. Les âmes chambres se vident. Transformation par la chaleur de l’onde métallique en balles plastifiées qui opacifient instantanément les âmes chambres. Les voiles sacrées enferment l’image piétinée. L’expérience d’un outrage magnétique parfois surprend. Une masse de déchets arrache au sol les lancinantes faux qui découpent l’air en pétales meurtris, oublieuses des lumières.

La salle se vide où se répercutent quelques vestiges d’un métal friable. L’ode respire. La chaîne expire. Un cordon se forme subrepticement. Le passé enterre ses poussières sur ses propres couches qui forment le désarticulé espoir. Les fouilles seront rares. Il dévore la solution que nous refusons d’apercevoir. Le châtiment tombe : il n’y a plus de passé pour chaque objet, son unique durée de vie est le déchet qui s’accumule. Les âmes chambres remuent une foire unique d’objets où la musique se fait douce. Elle endort les consciences en mélopées répétitives d’un désarroi pré-fabriqué qui n’ose s’user alors il se réactualise ! La belle affaire !

03

Le vertigineux bord de la lumière où plane le faux accord du mystérieux dispense aux divinités liquides la longue discussion sur l’agonie des objets, merveilleux et magiques, en rebuts à rejeter tel des déchets. La plainte, pourtant portée par la nature elle-même, singe la disparition de l’humain. Les oracles fabriquèrent de nombreuses et nouvelles maladies aux métastases et autres virus cendrés. Organigrammes déroulés sur le bord des falaises en guise d’avertissement, criés dans le vide en guise de réponse. S’empilent alors les cadavres des objets morts, cadavres de vies sans phrases dont les mots en sont devenus la maladie. La persuasion est claire. La conclusion évidente.

En chœur les âmes chambres prophétisent la venue de qui ou de quoi, elles ne le savent plus. Symbole aliéné pour mieux vendre tout et n’importe quoi. Destruction vivante de ce qui fonde l’humain, le symbole. Et cela n’est pas pour lui déplaire. Au contraire il s’en réjouit. Alors au moment où ne restent plus que les caricatures, l’édifice se rattache aux cerveaux des premières lueurs venues qui se prennent pour des phares sans même savoir ce qu’est la lumière. Affirmations d’un âge plus sombre que le plus sombre des âges. Obscurantisme qui se prend pour science. Science qui se voudrait lumière. Lumière qui n’est que lueur. Lueur qui se distingue à peine dans la nuit.

Mais elle est là pourtant ! Sans que personne ne parvienne à la transformer en lumière. Lueur elle restera le temps qu’il faudra. Même si l’espèce qui tient son flambeau risque sa disparition. Le jeu en vaut peut-être la peine. Les âmes chambres en sortiront mûries si la lueur persiste. Dans le cas contraire, nul besoin de vous en dire plus.

04

Avant la naissance de la lumière, les couleurs étaient illusions. Avant la naissance des couleurs, la lumière n’existait pas.