TOI & un TOIT

image d'illustration

Présentation (Octobre 2022)

Parmi toutes les histoires de pauvres qui ont traversé l’APCD, celle de l’association TOIT est sûrement la plus particulière, la plus extraordinaire et la plus incroyable.

Cette expérience n’aura existé dans le réel qu’un très court laps de temps, mais aura été très belle et surprenante.

Au départ, l’idée était de créer une sorte de carnet de notes qui aurait dû présenter, recenser toutes les initiatives entre les personnes qui fréquentaient l’association APCD. J’ai oublié pourquoi cela ne s’est pas produit.

J’ajoute à la présentation de l’association TOIT, la présentation générale de ce carnet de notes, aujourd’hui tombé dans l’oubli.

Histoires et notes sur les pauvretés (2005)

Nous entendons par pauvreté toute situation qui empêche d’agir selon ses propres moyens. Nous laissons une définition aussi vague que possible car il existe, selon nous, plusieurs formes nouvelles de pauvretés qui sont venues se greffer sur la grande pauvreté historique1. De nos jours, il existe bel et bien une pauvreté née des choix politiques et économiques de la société telle que nous la vivons.

Pour autant, à l’intérieur de ces pauvretés nouvelles apparaissent des histoires, des mouvements d’actions (politisés ou non, de chômeurs, d’individus ayant d’autres visées sur notre monde) qui donnent à réfléchir sur le sens de ces nouvelles pauvretés. Il ne s’agit plus simplement de personnes en-dehors de tout système mais d’hommes et de femmes ayant soit travaillé soit ayant pu disposer d’une éducation scolaire classique. On s’éloigne du dénuement lié à l’image de la grande pauvreté pour toucher une nouvelle sphère de la communauté.

Il apparaît que face à l’attaque économique, sociale et politique qui agite les spectres et les fantômes de la peur du lendemain et de la culpabilité si on ne travaille pas (travail pour acquérir richesse ou, tout au moins, un niveau de vie correct) des personnes, de plus en plus nombreuses (au vue du cynisme actuel), se demandent si une autre forme d’organisation sociale ne serait pas possible.

Voilà que le temps de l’allocation chômage, de l’allocation du RMI2 peuvent devenir, pour certains, un terrain d’expérimentation d’une nouvelle forme d’organisation sociale et communautaire. Ces personnes posent un double problème car elles ne correspondent plus exactement aux schémas classiques de la grande pauvreté qui signifie dénuement en tout y compris dans la culture. Comment des personnes, ayant suivies un cursus scolaire, disposant d’outils pour se défendre peuvent se retrouver dans une situation de précarité, de pauvreté alors qu’elles ne le devraient pas ? C’est là une des questions sur lesquelles achoppent toutes les instances sociales surtout les “assistances sociales” qui sont bien obligées de prendre acte, parfois avec difficultés, que ce que l’on leur a appris ne correspondait pas forcément à la réalité.

Elles sont en face de personnes qui ne demandent pas une insertion au sens classique du terme mais une insertion d’un autre genre qui repose sur la mise en cause du bien fondé de notre société. Demande à laquelle aucune des instances sociales ne peuvent répondre positivement et pour cause !

Ces nouvelles pauvretés seraient-elles ou deviendraient-elles, par la force des choses, le processus irréversible d’une défaillance du système qui n’aurait, dès lors, plus que le choix de la répression douce ou forte afin de minimiser l’ampleur des dégâts ?

Certainement l’expérience la plus originale de l’apcd (2003).

Sans domicile comment en trouver un ? Sans lieu qui définit un espace intime comment ne pas sombrer dans l’indifférence absolue ? Sans aucun soutien relationnel comment ne pas se couper du monde définitivement ?

L’hiver dernier (hiver 2002), des SDF, un maçon, un charpentier et un peintre, sont venus nous voir en nous expliquant leur projet. L’idée leur est venue du squat qu’ils avaient investi et arrangé. Ils ont décidé de monter une association : TOIT. Nom acronyme pour Tous Ouvrages Insalubres Transformables. C’est de leur propre expérience qu’est née l’association : transformer des maisons insalubres en maisons salubres et destinées, en premier, aux gens de la rue.

Nous, association APCD, nous leur avons donné les moyens logistiques, mais ce sont eux qui ont fait les démarches nécessaires. C’est ce que nous leur avons expliqué. Nous les avons aidés à trouver, aussi, les cadres juridiques pour l’association et son fonctionnement : au départ, il s’agissait du bail de réhabilitation qui correspondait mot pour mot à leur projet. Un bail sur quinze ans en moyenne ; le propriétaire des lieux cède le bien immobilier à l’association qui se charge de réhabiliter le lieu insalubre, de gérer les loyers pendant les quinze ans et qui restituera le lieu transformé au bout des quinze ans au propriétaire. L’avantage est certain, les dépenses liées aux travaux sont couvertes, pour une partie, par la gestion des loyers et pour une autre par la demande de subvention. Il s’est avéré que même si l’idée était bonne, elle était inadaptée à leurs besoins : avoir de l’argent tout de suite d’où l’idée des chèques emplois services en échanges de petits travaux.

Comment ont-ils obtenu une maison ? Par un concours de circonstances heureux. La maison abandonnée et squattée appartenait à l’association des Paralysés de France qui, elle-même, la louait gracieusement à la Communauté d’Agglomération Périgourdine. La CAP avait tout simplement oublié l’existence de cette maison, donc à partir de ces données il a été relativement facile de négocier un arrangement et puis le projet est tellement fort que, politiquement, cela aurait été une erreur que de dire non.

Aujourd’hui la maison a été réhabilitée même si le confort n’existe pas encore mais l’association TOIT possède sa petite réputation sur périgueux et dispose d’un réseau solidaire qui leur permet de survivre. Nous savons que la maison est en passe de venir leur maison.

L’association TOIT résiste contre la misère avec de faibles moyens, des difficultés toujours présentes mais une envie de montrer que la misère n’est pas nécessairement une fatalité, que la rue n’est jamais librement choisie, qu’un SDF n’est pas nécessairement déstructuré, en-dehors de la société et de tout. C’est aussi une personne qui combat pour sauvegarder son propre TOIT.

Bref l’association TOIT est un squat d’insertion construit, fabriqué par et pour les gens de la rue.

Mise à jour 03/09/05

L’association TOIT n’existe plus à ce jour. Le squat associatif a été fermé. Certains des membres fondateurs ont un appartement personnel aujourd’hui. Pour nous c’est une réussite si cette association défunte a, au minimum, donné cela… Un long chemin parcouru pour retrouver un TOIT dans le plein sens du terme.

Une expérience inoubliable.


  1. Lire les ouvrages d'André Gueslin : Gens pauvres, pauvres gens dans la France du XIXe siècle, Paris, Aubier, 1998, et, Les gens de rien. Une histoire de la grande pauvreté dans la France du XXe siècle, Paris, Fayard, 2004.↩︎

  2. Revenu Minimun d’Insertion, ancêtre du RSA actuel.↩︎