image d'illustration

Reflets

Le reflet s’incarne dans une image sonore située entre deux mondes : pièce et être (pièce-être) dont les tremblements furtifs agitent des traits perturbant l’étendue en générant un “entre” qui oscille dans un interstice situé au cœur de cette double limite ; elle s’achemine vers la réciprocité, l’itervalle, l’indication d’un changement d’état voire de l’existence. Il capte de cette réflexion les traits d’une généralité où toute structure est identique et modèle les paysages du savoir tel un miroir dont la connaissance s’effiloche sur le grand écran du réel construisant son pendant observé la réalité. Il est l’œuvre qui transparaît par delà les modifications d’un univers du savoir transformable à souhait. Les traits réfléchis qui apparaissent sont les équivalentes projections reçues de miroirs recherchés. Ils étudient les fondements de leurs créations dont l’organisation générale livre la mélodie d’un tout au format paysage. Il est l’esprit de la matière qui peut converser avec le tout comme avec ses parties. Il fabrique l’image du toujours identique : mêmes notes, mêmes symboles, mêmes questions, mêmes réponses. Il est ce qui configure la connaissance comme quelque matière en train de se savoir depuis l’élaboration des mondes, des réalités, des points-de-vue, des étendues jusqu’à l’écoute de la fabrication de quelque chose : res nota omnibus. Il n’y a pas un seul monde où l’observation est réalisée, mais une multitude de mondes où les modèles transfigurent leurs réels paysages en réalité du seul monde. Liberté de modelages de l’universel reflet. En cela il ressemble beaucoup à l’atome. Mêmes fragments qui se fractionnent dans une quête éperdue le poussant hors de sa gangue obscurcie par l’attachement des liaisons qui le fabriquent à son image reflétée. Ces liaisons désignent le chemin de ce à quoi il est identifié comme adéquation entre le réel et son image faisant, ainsi, émerger la réalité.

Il est la paix régulée, le liant pérenne, au milieu d’un univers chaotique : ce qui laisse subodorer que l’image de celui-ci, qui se dessine par l’entremise, l’entrebâillement des réflexions d’une entité biologique, a été construite comme quelque chose dont la nature est d’être sue. Mais, en plus de cela, il fut le géniteur de constructions imprévisibles. Il offrit quelque chose d’incroyable : si le reflet peut engendrer l’idée d’un ordre des choses observées dans le monde des réalités, dans celui du réel il ne voit que des structures chaotiques, désordonnées qui jamais ne forment une image concrète. Il révèle un savoir désiré. Il attire à lui la nature de l’observation pour se projeter de l’intervalle vers la prédiction, réalités de son monde, pour dévisager l’impulsion du désordre vers l’imprévisible, le réel du monde. Une sorte de tohu-bohu imprédictible où l’ensemble des structures probables se transforment perpétuellement. Il est le régisseur de la découverte des mondes qui se superposent tels des façonnages de plus en plus déstructurés.

Ce qui apparaît comme certitude dans l’image qui structure la réalité se désagrège lentement en incertitude dans celle où il ne subsiste presque plus de reflets, mais un réel présent et pourtant incertain. Un magma où tout serait allégorie de représentations en devenir pour la réalité tout en n’appartenant pas à celle-ci, mais à une série de graphiques possibles aussi réelles qu’irréelles dont l’appartenance au réel ou à la réalité est indéterminée.

Les voix qui lisent ce reflet pour s’épanouir en savoirs cristallins sculptent des gravures représentées en d’innombrables caractères un peu partout dans des grottes, sur des papiers et des livres puis découvrirent les diagrammes mécaniques, électriques, électroniques emplis de mesures azurées incarnées sous la forme de lignes ondulées ; elles parcourent un écran en pulsations de rythmes visibles ayant capturés l’invisible. Ces oscillations argumentent la luxuriance de ce qui ne se voit pas dans le reflet ; il ne pouvait que le laisser entendre. Le secret du réel est donc de le voir comme image choisie de la réalité. Tout se bouscule dans l’organisation des savoirs : les chants coulent de stridulations invisibles et accompagnent les minces luminaires d’une réalité soulignant soudainement sa présence fantomatique. Ils nous dénudent, nous plongent vers des ruissellements de mondes si extraordinairement riches que la richesse même du reflet, qui s’exprime sur l’écran de la réalité, apparaît soudainement comme la forme la plus pauvre, la moins signifiante du réel. Cette réalité que nous chérissons tant n’est qu’une simple couche pour la surface de nos convenances certaines. Elles se perdent dans le réel comme des images déstructurées ayant perdu leur sens. Elle désigne un film muet venu de nulle part recouvert de mille boucles d’eau dont nous commençons à peine à percevoir l’océan qui les porte.

Si chaque mot fut et est toujours une interférence de l’image mentale qu’il réfléchit ; cette représentation construite, à laquelle il s’attache pour livrer la signification exacte d’un reflet qui lui-même se miroite parmi les autres motifs, ouvre un espace d’interprétation qui s’interfère et se compare avec le réel. Chaque étape de ces forges du réel segmente le sens en divers traits, ils composent un paysage cognitif à l’instar d’un paysage naturel. Celui-ci devient une information à décoder parce que la réalité qu’il représente n’est pas le réel qui se présente à nous, mais sa comparaison entre ces deux modèles dont il n’existe aucun motif d’équivalence. Ce décodage donne une clef : celle de la compréhension, de la connaissance. Elle différencie le réel de la réalité.

Mais depuis la nuit des temps, nous savons que cette clef est une illusion sans que nous puissions faire autre chose que d’attester qu’il existe une différence, une distinction entre ceci, le réel, et cela, la réalité. N’ y a-t-il donc aucun autre sens en-dehors de cette distinction ? Ou le réel est-il si abstrait qu’il ne nous est pas possible de le capter autrement que par son image ?

Le reflet déploie un paysage brisé, fragmenté. Il amasse divers éléments sans aucun lien entre eux afin d’offrir quelque chose du réel qui n’existe que dans la réalité, jamais réellement dans celui-ci. Sans détours, ni contours, il avance dans les prairies verdoyantes du sens où à chaque pas quelque chose du réel se perd au profit de la réalité. Ce jardin du palimpseste est toujours là, mais il ne dévoile rien si ce n’est une distinction. Les immenses images qui en sont le reflet, telles des sculptures merveilleuses, protègent l’entrée de ce réel si étrange, si abstrait. Au pied de ces images, quelques gouttes d’encre cristallines glissent sur l’ondoyante signification que des êtres chercheurs s’acharnent à récupérer afin de retirer de leurs savoirs supposés l’instruction qui permettra de percevoir sans reflet le réel tel qu’il est. De la frénésie poétique de ces gouttes cristallines émane une fragrance, une essence où l’on peut ressentir un bout de ce très abstrait réel documenter les ondulations de chaque fragment en un paysage presque hypnotique. L’étendue de ces torsions cristallines est aussi vaste que l’imagination. Elles voilent, tel l’arc rayonnant du soleil, les innombrables espaces qui prennent formes. Par moments, elles donnent l’impression d’être une porte dont on peut entendre un lointain écho qui entrouvre quelque chose. Le ruissellement continuel de ces ondes cristallines offre à chaque tintement une note qui tombe dans le creux d’un esprit curieux. Mais ces notes ne s’assemblent pas comme une mélodie précise. Elles en indiquent le chemin. Il faudrait récupérer toutes les notes pour découvrir la véritable symphonie. Et ce sont d’autres portes qu’ouvrirent ces notes disparates. De leurs brumes accolées en pseudo harmonies, elles dessinent une sorte d’essaim dont la présence est aussi réelle qu’irréelle. De cette hésitation permanente entre l’un et l’autre, le cycle du reflet prend forme et stabilise cette image pour en retenir les caractéristiques générales, les propriétés intrinsèques propres à un espace qui est en train de s’élaborer, de se construire.