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L’horizon apparaît

Trois relations naturelles1

  1. Le premier est la sensation d’être une existence indépendante de toute chose.
  2. Le second est la sensation de l’être lié à quelque chose.
  3. Le troisième est la sensation de la médiation là où le premier et le second se joignent dans la relation.

L’immédiat est le flux continuel de la vie, flux inanalysable, inexplicable ; il ne peut être intellectualisé.

L’immédiat ne peut être une médiation, il est la totalité de ce qui est une invitation à prendre conscience dont la médiation est la prolongation qui prend conscience d’elle-même et de l’immédiat. La médiation est la représentation, l’immédiat la présentation.

La représentation est une répétition modifiée de la présentation. Elle construit des motifs qui se répètent d’une manière récursive toujours identiques mais qui ne sont jamais les mêmes.

Ces motifs récursifs se résument à un trait qui sépare deux états différents. La relation entre les deux est nommée changement d’état.

Un trait qui marque une relation :

Un trait qui marque une relation d’équivalence :

Un trait qui marque une relation de changement :

Et ainsi de suite.

Le mécanisme généré par ces motifs récursifs s’organise comme un système. Il contient en lui-même la production de ces mêmes changements d’état. Il se détermine par la manière dont est généré le mécanisme qui le constitue. Tout cela ressemble fortement à un plan.

Le plan de l’horizon (asymétrie, décalage, forme)

Le plan est un ensemble qui ne possède pas de limites ou de dimensions : condition initiale. Il se dresse à la fois comme un espace du réel et comme un «espace spirituel» (au sens de Husserl dans son Origine de la géométrie2). Il est cette rencontre entre la perception individuelle et le monde. Parfaitement identique à lui-même en tout point donc parfaitement symétrique ; il est impossible d’y distinguer quoi que ce soit. Toutes les formes de la distinction seront possibles, mais elles dépendent toutes de la manière dont apparaîtra une asymétrie.

L’asymétrie est une condition inclue dans le plan de telle sorte que bien que le plan soit parfaitement symétrique, ses propriétés peuvent se modifier. Les propriétés d’un plan ne sont pas des symétries propres au plan3 ce qui n’empêche pas que cette asymétrie soit, quant à elle, symétrique au plan. C’est ce léger décalage qui fera surgir, par la suite, les formes proto-graphiques, proto-géométriques lesquelles dépendent de la symétrie précédente donc des propriétés du plan. Elles suggèrent l’existence d’une carte à tracer.

Pour Husserl, la carte est le tracé géométrique de cet objet persistant qui prend forme à travers de multiples séries d’acquis qui se succèdent les uns aux autres. Dans cette chaîne infinie, l’acquis précédent sert de prémisse au nouveau, et, c’est ainsi que, petit à petit, la tracé géométrique va s’extirper, s’opposer à l’expérience temporelle et individuelle pour devenir quelque chose de supra-temporelle dont l’existence même souligne un monde au-delà de l’existence individuelle, celui des relations intersubjectives. Autrement dit, le tracé géométrique est ce qui échappe à l’objet individuel pour devenir objet trans-personnel et atteindre alors une existence objective, indépendante, mais appartenant à la communauté humaine.

Trait

Le trait, une fois l’asymétrie du plan survenue, va indiquer les conditions de construction des formes qui découleront des propriétés du plan. Le trait marque une rupture de symétrie. Il est une condition indirecte du plan, une asymétrie qui permet d’élaborer les premières relations qui se distinguent tel un mécanisme. Cependant l’ensemble de ces nouveaux éléments apparaissent en même temps que ces nouvelles conditions propres au plan.

L’asymétrie est comparable à une faible lumière qui, d’un seul coup, fait surgir les propriétés du plan comme des objets observables (voir, par exemple, l’expérience d’une aurore). De même les propriétés des futures relations évoluent en même temps que les propriétés du plan se modifient. Paradoxalement le plan reste sans limites ou dimensions mais ses relations ont toutes, quant à elles, des limites lesquelles s’adaptent aux changements d’état créés dépendant des propriétés du plan primitif. Les formes qu’elles prendront dépendront entièrement des propriétés relatives et corrélées aux changements d’états.

Formations

La formation des relations est la condition réalisée de la condition initiale non réalisée en ce sens qu’elle re-présente ce qui est présenté. Elle est la forme du plan la plus restreinte parce qu’elle dépend d’une série de limites lesquelles sont inhérentes aux relations qui elles-mêmes dépendent des propriétés en train de se former par détachement et représentation. Les relations sont donc, à la fois, les formes les plus abouties de ce mécanisme pour un observateur quelconque mais aussi les formes les plus faibles pour le plan.

Sa capacité de distinction par l’observation, génère un système d’équivalence lequel confère une série de signifiants aux propriétés non encore exprimées et qui doivent être exprimables par une représentation la plus fidèle possible mais dont la forme qui est en train de s’exprimer dépend entièrement de l’observateur. Ce qui pousse ce dernier à trouver des formulations toujours plus adéquates, formulations qui doivent aller au-delà des interstices de la finitude ou des concepts tombant sous le sens afin de dénicher un ensemble de motifs beaucoup moins perceptibles par la formation d’innombrables épures non finies.

Ainsi l’expression de ces épures est une construction basée sur le principe d’équivalence, lointain souvenir d’une supposée symétrie, qui tente de retrouver la condition initiale à travers l’ensemble de ses représentations. Cependant la condition initiale retrouvée n’est jamais qu’une reconstruction asymétrique du fait que l’observateur dépend lui-même des formes issues du trait asymétrique issu du plan lesquelles ont généré bien d’autres limites, formes pour aboutir à un système cohérent susceptible de reconstruire  une image indirecte du plan initial. Bref, de ce dernier on ne connaît ou on ne retrouve jamais qu’un ensemble de propriétés lesquelles ne sont pas le plan en lui-même puisque les propriétés de ce plan ne sont pas des symétries propres au plan mais une de ses conditions, l’équivalence, qui rendent possible le plan.

Grammaires primitives

Chaque être exprime donc des représentations lesquelles forment l’image indirecte du plan. Chaque être vit dans une construction appelée histoire. À l’intérieur de cette construction sans limites ni dimensions sont mêlés le plan, les autres êtres et la manière dont est exprimée chaque construction laquelle détermine, à son tour, les limites et les différentes dimensions de l’histoire. Elle est le tracé non symétrique de ces différentes interactions ; elle recoupe à la fois la limite de l’individu dans sa dimension singulière, commune et universelle et les limites de différentes communautés dans leurs dimensions singulières, communes et universelles. Ce qui fait dire à Kant qu’il y a un fil conducteur dans la nature qu’il nomme dessein alors que Husserl se borne à cette expression supra-temporelle et intersubjective qui, lentement, acquiert une valeur objective.

L’ensemble des expressions tirées de ces différentes relations forment les limites du principe de connaissance en ce sens que ces différents traits signifiants utilisés pour s’exprimer ne peuvent aller au-delà des limites imposées par les multiples relations liées à la construction de l’histoire. 

Chaque trait signe utilisé de nombreuses fois par un processus de répétition se transforme en une règle particulière et veut aboutir à un principe idéal où chaque signe serait détaché de toute représentation sensible. L’ensemble de ces traits signes finit par s’organiser, se structurer en un langage lequel s’adapte et est entièrement dépendant de l’histoire qui le contient : cette langue qui s’exprime, à la fois multiple et unique, suggère un ensemble d’articulations médianes lesquelles, par le biais des relations, dessinent les frontières, le contour d’un plan qui serait le support de tout cela.

La boucle est bouclée.

2008-2019-2021 (ajout husserl)


  1. basé sur « la nature triadique de la relation » de Charles Sanders Peirce.

  2. Edmund Husserl, L’orgine de la géométrie, aux éditions puf.

  3. George Spencer-Brown, Laws of form