Les variations de l’enchaînemot

image d’illustration enchaînemot

Pour la bonne compréhension de ce texte, la lecture de l’enchaînemot est indispensable.

Le spectacle n’est pas un ensemble d’images, mais un rapport social, médiatisé par des images. (4)

Réciproquement, l’activité rêvée de l’idéalisme s’accomplit également dans le spectacle, par la médiation technique de signes et de signaux – qui finalement matérialisent un idéal abstrait. (216)

La temporalisation de l’homme, telle qu’elle s’effectue par la médiation d’une société, est égale à une humanisation du temps. (125)

Le spectacle, comme tendance à faire voir par différentes médiations spécialisées le monde qui n’est plus directement saisissable (…)(18)

Guy Debord, La société du spectacle.

L’ensemble des variations de l’enchaînemot n’est possible que si ses propriétés sont, elles-mêmes, invariables. En ce sens que les propriétés de chaque graphème qui montre une crête entre la projection et l’observation à l’intérieur du graphique ne sont que des propriétés de jonctions qui n’ont pas d’autres définitions que celles de se connecter ou non afin de former une crête. Mais toutes ces jonctions ne peuvent s’établir que dans un temps et un espace différents du nôtre où l’irréversibilité ne peut exister.

L’enchaînemot unifie toutes les variations possibles en une jonction abstraite et rencontre son objet de prédilection, la médiation. Les variations existent depuis longtemps sous des formes inexploitées ou mal adressées ; dès qu’elles trouvèrent la possibilité d’exprimer ce qu’elles contenaient en elles, grâce à l’évolution de l’enchaînemot, elles ont pu s’intercaler comme objets de médiations.

Leurs connaissances est, en conséquence, une série de médiations émergentes tirées d’un sous-groupe de variations qui thématise la forme de cette même connaissance. Elle se subdivise en autant de petits groupes de connaissances aux propriétés et valeurs différentes avec des corrélations possibles entre chaque groupe thématique. Cette corrélation peut apparaître, dès lors, telle une abstraction, un ensemble d’ensemble, un principe, un archétype voire un ectype1. En nommant ces groupes, les variations peuvent s’intégrer dans un système de connaissance classique. Car les variations aléatoires sans l’enchaînemot sont telles qu’il est impossible de les catégoriser ni de les connaître.

Ce qui oblige à en extirper une forme afin de la figer plus ou moins à travers un thème à l’intérieur d’une temporalité. Ce qui peut rendre connaissable les variations inscrites dans l’enchaînemot. Mais ce qu’il est ou a été en cet instant ne le sera pas à un autre instant. Ce qui induit que pour l’enchaînemot, il y ait une sorte d’irréversibilité qui le transporterait d’un état vers un autre selon une échelle temporelle qui serait, elle-même, une variation par changement d’état entre deux enchaînemots séparés de leurs variations aux instants où ils émergent. Toutefois la tentation serait d’accumuler tous les thèmes, toutes les variations de l’enchaînemot ; ce qui est impossible à réaliser. Mais imaginer toutes les formes probables des variations au travers des enchaînemots est possible à condition de retenir que la partie extraite, figée, en cet instant-là, n’est qu’une infime partie des possibilités qui peuvent exister sans connexion temporelle ni spatiale.

L’enchaînemot est, en quelque sorte, un messager. il informe sur la nature des variations, mais il n’est plus l’ensemble des variations. Ce messager est l’encodage visible de celles-ci ; il pointe sa visibilité telle une médiation laquelle désigne un ensemble plus complexe sous-jacent à décoder. Il suggère l’empreinte d’un chemin plus complexe qui devrait aller au-delà des apparences, des illusions. Une sorte de finalité qui aurait à être découverte dans cette émergence. Sauf que de l’ensemble des variations, la finalité n’est que l’objet corrélatif à l’enchaînemot qui émerge par création d’une distinction tout à fait arbitraire. Si je désirais connaître l’ensemble des variations, je ne peux saisir que l’ensemble de ses expressions probables et, en conséquence, j’obtiendrais une forme de connaissance floue. Ce qui dans le graphique de l’enchaînemot s’exprime par la résonance.

Pour l’enchaînemot, une fois extrait de son ensemble de variations, se pose la question de sa conservation. Que faire de celui-ci ? Avec, au minimum, deux enchaînemots distincts en deux instants différents du graphique et indiquant, suggérant un changement d’état entre ces deux extractions, la question de la conservation au sein d’une temporalité peut se poser. Continueront-ils à présenter la même configuration, la même forme qui correspond à leurs extractions réciproques pendant un temps indéfini ou vont-ils changer d’état du fait de leurs extractions et, par là, livrer de nouvelles propriétés ? Mais ces nouvelles propriétés émergentes auront-elles encore quelque chose à voir avec celles des variations continuelles ou seront-elles une expression de leur singularité en rupture avec leur état précédant ? Dès lors celui, celle qui les a observé et les a extrait, sait-il/elle qu’au moment même de l’extraction en leur conférant une présence par rupture de la variation est en train de modifier profondément les propriétés mêmes de l’enchaînemot de telle sorte que ce dernier ne dispose plus des propriétés précédentes qui le rendait par essence aléatoire ? Que ce dernier ne peut plus, alors, être un enchaînemot mais un enchaînement irréversible ?


  1. à l’époque de l’écriture de ce texte, je ne connaissais pas l’hyparxis de Damascius. Notion que je préfère à celles inscrites ici.↩︎