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L’entre mondes des reflets, seconde partie

le don du vrai

L’être humain recherche l’expression de la vérité par le biais d’un cadre de références formelles et communes1 or ce qu’il nomme “vérité” n’est que ce qu’il connaît le mieux à partir de son expérience de vie par le biais de plusieurs enchaînements de relations au sein d’un environnement. De plus il se persuade que c’est à partir de “la vérité” qu’il trouvera “sa vérité”. Autrement dit : l’ensemble des références formelles et communes doivent le définir comme relation à la vie, sa présence qui se distingue elle-même. L’articulation des variations entre la définition et la possession met en exergue ce qui se présente à lui ou à elle afin de rassembler toute chose en un modèle au-delà de sa propre présence. Par le biais des multiples expériences et interactions, qu’il génère afin d’obtenir un écho, il compose une résonance lui indiquant ce qu’il est à ce moment précis : une sorte d’union et de désunion continuelle et répétitive entre définition et possession.

L’assemblage “vérité” subsume, par ce nom, l’ensemble des références formelles et communes où l’union de la possession et de la définition n’exprime qu’une partie de celle-ci à laquelle s’ajoute le sens de ce qui est vrai en générant une équivalence entre expérience et cadre formel. La “vérité” serait ce “liant pérenne” entre la réalité (expérience) et le réel (cadre formel). L’humain utilise une description méthodique. Elle lui permet de transposer une expérience individuelle en une expérience aux références communes2. Il assume que celle-ci est vraie par une sorte de démonstration tautologique : le vrai se calque à la vérité de l’expérience qui, elle-même, se calque au cadre des références formelles et communes. En expliquant cela, il ne dit nullement ce qu’est une vérité ni ce qu’est le vrai. Il exprime quelque chose qu’il espère trouver dans les noms qu’il attribue, distribuant la tautologie en une forme récursive qui se partage entre définition et possession. Il sait que cela n’est pas “la vérité”, mais quelque chose qu’il fabrique : tout ce qui semble être là (définition) et être lui (possession) au moment où celles-ci sont générées par la différence entre réalité de l’expérience et le cadre formel du réel forme ce lien pérenne dont il ressent l’existence même à la fois en lui et en-dehors de lui. En conséquence, il a besoin de ce cadre de références formelles et communes afin d’extirper la part qui lui est propre de celle qu’il ne lui est pas : ce qui lui offre d’entrevoir l’insterstice de ce liant pérenne.

Se confrontant à tout cela, il peut distinguer ce qui se marie à lui et hors de lui. Par ce cheminement, il donne à la vérité quelque chose qu’il ne possède pas. Le cadre formel n’est pas une possession, mais une définition qui le dépossède continuellement. La seule chose que l’humain possède est ce qu’il ou elle est. En découvrant ce qu’il donne à la possession et à la définition, il peut les marier à un savoir. En générant ce système, il se crée lui-même comme être en subdivisant le continuel en moments où il se sépare de tout ce qu’il possède afin de donner tout ce qui ne sera plus en sa possession à la définition, à sa dépossession. Il définit par l’article du don une vérité qu’il ou elle ne peut plus posséder en lui-même. Puis il affirme connaître, se connaître.

Connaître soi-même : par la dépossession du continuel en moments, il peut enfin espérer se réfléchir. Il considère cette récursivité comme l’équivalence d’un apprentissage. Il ou elle se désigne comme possession de tout ce qui le décompose, puis comme équivalence qu’il ou elle peut installer dans le “même” détaché de lui qu’il re-connaît par ce simple effet de dépossession. Pour savoir, il suffit de s’affranchir de la possession qui n’est rien d’autre que l’expression de la totalité d’un corps qui se vit par l’entremise de ses sens. Par l’expérience sensorielle, il peut ramasser la connaissance en un apprentissage permanent qu’il ou elle marie à une relation qui se détache du sens laquelle se transformera en une constante au-delà de sa propre expérience afin de se la réapproprier en l’offrant aux références formelles et communes. Et c’est parce qu’il sait qu’il est un corps en relation constante avec ce qui est “en dehors”, au-delà de lui-même, le nourrissant par la même occasion, qu’il peut saisir dans la dépossession de son corps, ce qu’il en reste, l’essence, l’unité : ce fameux soi, l’être et l’étrange image du “liant pérenne”. Connaissant le “soi”, il peut être l’équivalent, le même, la permanence, la répétition de tout ce qui est par toutes les expériences sensorielles dont il extirpe une synthèse à un moment donné. Elle est l’expression synthétique de ce qui le compose, science qui assemble et ce qu’il ou elle est et ce qui est.

La difficulté qui surgit est celle du modelage de ces assemblages qui se structure au sein du cadre formel. En même temps que l’humain se dépossède de quelque chose, il croit qu’il crée cette chose. Or cette chose dont il se dépossède n’est pas une création, mais une opération récursive qui s’extrait d’un ensemble de répétitions plus ou moins communes. Elle fonctionne tel un élément séparé, certes, mais sans origine précise ou distincte : sa présence s’observe dans le reflet de la communauté des liens sensoriels. Autrement dit, ce qu’il perçoit dans cette chose construite n’est pas une création pure, mais un nom attribué à une série de relations qui se reproduisent continuellement. Il commence à construire là où la dépossession génère quelques chose à partir de ce qu’il ou elle sait ne pas lui appartenir. Il crée ce moment où il devient le séparé qui cherche un lien parce qu’il transforme en termes qui se prennent aux sens toutes les expériences inhérentes à sa vie y compris ce moment-là. Il découvre qu’il sait quelque chose qu’il ou elle n’a pas créé, mais qui le sépare d’un monde pour le nouer à un autre. Cette séparation ou dépossession le place dans un entrelacs de mondes qu’il fabrique et noue où il ajoute des savoirs incréés, mais qui lui permettent de discerner des éléments spécifiques et formels. Il ou elle se détache de la banalité des opérations récursives par ce chemin. A défaut de création, il ou elle met de la conception ; une sorte d’équivalent de la création. Il ou elle s’auto-réfère aux concepts qui se détachèrent de son expérience sensorielle puis, envoyés dans le cadre formel, il ou elle peut alors vivre continuellement avec ce monde qu’il transforme.

Chaque lien sensoriel donne à l’être qui les perçoit une vibration qui oscille entre une forme détachée de tout et un pré-langage récursif lequel se mélange perpétuellement à chaque espace de perception sans jamais s’arrêter. Ce qui le pousse à interpréter cela d’abord comme une articulation potentielle de lui-même et, ensuite, pour ce que ces expressions parlées prétendent être : une description de la réalité soutenue par une invariance laquelle contient en elle-même de possibles constantes, de possibles variables (le cadre formel). Il ou elle remodèle cette matière brute afin de transformer sa vision, son entendement du monde qui l’entoure. Elle se synthétise en une des formes du réel. Il ou elle modifie ce lien sensoriel en une réalisation qui encapsule le vrai à l’intérieur d’une équivalence. Elle se doit d’égaler cette présence si réelle du monde. Si cette présence au réel ne peut être trouvée alors elle n’est qu’une simple illusion.


  1. voir partie 1↩︎

  2. Voir note 1↩︎